Nous ne saurons que demain si la corrida est abolie par le Conseil constitutionnel pour des raisons juridiques. La décision des Sages ne sera basée, en effet, que sur des considérations de droit et non de démocratie.
Mais d’ores et déjà, en portant la question de la corrida jusqu’à cette institution dont les décisions s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, une première victoire écrasante, irréfutable a été remportée par le CRAC et DDA : celle de l’opinion.
Grâce au très large retentissement médiatique de l’examen de la QPC (question prioritaire de constitutionnalité), nombreux sont les Français qui, jusque-là, ne se préoccupaient en rien de cette survivance barbare et n’avaient aucune idée de l’horreur qu’elle représente.
Seuls s’affrontaient les aficionados et les anti-corrida convaincus. Sur ce front-là, déjà, plus des deux-tiers des Français demandaient l’abolition de la corrida, comme le démontrait un sondage IFOP réalisé en 2010 et ce, y compris dans les villes les plus concernées telles que Nîmes.
Depuis une dizaine de jours, ce sont près d’une centaine de sujets qui ont été consacrés à la question dans la presse sous toutes ses formes, tous les médias nationaux s’étant emparés de l’affaire de la QPC. Sans parler des réseaux sociaux où le débat a pris une ampleur sans précédent.
Un autre signe plus personnel de l’engouement des médias : notre blog, très bien référencé par Google. Habituellement, lorsque nous traitons un sujet qui intéresse moyennement les médias, il sort régulièrement en page 1 ou 2 d’une recherche Google. En ce moment, sur le sujet « corrida QPC » que nous avons abondamment traité depuis des semaines, il n’apparait qu’à la 6e page (et ceci, en excluant au préalable toutes les réponses venant du site du CRAC), tellement il y a de sites de médias qui en parlent.
Des centaines de milliers de gens ont découvert avec stupéfaction et dégoût ce que veut vraiment dire – loin des clichés esthétisants – ce rituel sanglant, consistant à torturer à mort en public des bovins que l’on veut faire passer pour des « fauves » ou des taureaux « de combat » se battant dans un « combat noble » contre des matadors (mot espagnol signifiant « tueur », on ne le redira jamais assez).
Et quand bien même certains taureaux seraient devenus des animaux féroces à force de manipulations et de tricheries, en quoi cela autoriserait-il de les transpercer à l’arme blanche durant un cérémonial obscène qui conduit quasiment toujours à leur mort ? Les chiffres sont effroyables : dans le monde entier, depuis le XVIIIe siècle, 57 matadors sont morts dans l’arène ; mais ce sont 250 000 bovins qui périssent tous les ans dans les spectacles tauromachiques.
Il ne s’agit donc en rien d’un « combat noble » mais bien d’une exécution d’une lâcheté irréfutable. En faire un spectacle est d’une perversité sans fond.
Plusieurs grands médias ont voulu sonder leurs lecteurs ou auditeurs. Les résultats recueillis par l’IFOP il y a deux ans sont largement dépassés. La demande d’abolition de la corrida vient désormais non pas de deux-tiers des Français mais de plus de 85% à 95% d’entre eux.
Quoi que disent les Sages demain, la lutte anti-corrida a fait un immense pas en avant. Avec un tel plébiscite, les hommes politiques qui soutiennent encore cette survivance sanguinaire vont forcément devoir tenir compte de ce que pensent leurs électeurs quand une telle unanimité se manifeste.
Aussi, c’est une certitude : tôt ou tard, la corrida sera abolie.
Très belle journée à vous
Le premier sondage qui figure au début de cette note a été réalisé par RMC – BFM, juste après le passage de Manuel Valls à leur antenne où il a expliqué qu’il aimait la corrida. Il peut se vanter d’avoir eu un sacré impact… mais contre lui !
En plus, son argument à deux balles « c’est dans ma culture familiale » – hé ben qu’il aille voir des corridas là où vivait sa famille, alors ! Ah mais non, c’est plus possible : la corrida a été abolie en Catalogne. Et par un gouvernement de gauche, en plus. C’est vraiment pas gentil pour ses parents, ça.
Très bon résumé de la situation une fois de plus. Demain… demain… Je veux y croire ! En tout cas, l’incertitude est de mise partout à en croire cet article de Pierre Vidal :
« INCERTITUDES (pris sur un site taurin)
Le rendu du délibéré sur l’avenir de la corrida se fera demain matin. La réponse à la QPC étudiée par le Conseil Constitutionnel, sera définitive et sans appel possible, du moins à court terme. Faut-il être optimiste ? Beaucoup dans le Milieu Taurin le sont. Ils n’envisagent pas un instant qu’une décision négative puisse être rendue.
Quand on a le nez dans le guidon, on n’a pas forcément la hauteur de vue nécessaire à un jugement sain et à une appréciation juste du rapport de force. On a beau dire qu’il s’agit d’une question de droit, le droit, la jurisprudence évoluent en permanence au gré des événements et des pressions extérieures. Les Sages ne sont pas à l’abri des influences; ce ne sont pas des surhommes ; les antis, champions du lobbying le savent.
Nicolas Sarkozy qui se prétend aficionado ne serait pas présent au vote selon le Huffington Post. Il ne voudrait pas être juge et partie… Comment faut-il l’interpréter ? La presse nationale à part quelques exceptions notables comme Jean-Pierre Pernaut sur TF1 a emboité très largement le point de vue des antis et notamment la Presse Quotidienne Régionale même dans le sud de la France. Elle est sensible aux sondages nationaux qui ne sont pas en notre faveur et à la rhétorique bobo des antis dans laquelle les journalistes, pour la plupart, se retrouvent. Le succès immense de José Tomas qui a fait les Unes du Monde entier et notamment du Guardian n’a eu que très peu d’échos en France. Les antis tiennent, par ailleurs, le haut du pavé sur les réseaux sociaux qu’ils manient parfaitement.
Les Sages doivent dire le droit et faire abstraction du reste mais il ne faut pas sous-estimer la puissance de feu adverse. Elle se vante d’avoir fait plier des géants comme Affelou ou Véolia ; en effet ça n’est pas rien. Elle a su suborner la majorité des élus catalans, le maire de Bogota et le président de la République Equatorienne; ça n’est pas rien non plus. Elle compte dans ses appuis de nombreux politiques de tous les bords et des stars plutôt prudentes qui, comme par hasard, sortent du bois.
Comme les antis ne cessent de le répéter: le fait que la QPC ait été mis en chantier est en soi, pour eux, un succès et, comme les membres de la famille taurine, ils sont, eux aussi, optimistes, attendant avec confiance le verdict.
Non la partie n’est pas gagnée d’avance. Il convient de rester très prudent sur l’issue de ce nouveau combat. Se serrer les coudes et faire taire les rancunes -sera-ce un jour possible ? – dans ces moments de très grandes incertitudes. »
« La décision des Sages ne sera basée, en effet, que sur des considérations de droit et non de démocratie. »
Cela m’a bien été expliqué, mais effectivement personnellement j’ai tendance à éluder ce point important !
Alors là, Anti, c’est un petit bijou que tu as dégotté là ! Très, très révélateur !
Mes passages préférés :
« Nicolas Sarkozy qui se prétend aficionado ne serait pas présent au vote selon le Huffington Post. Il ne voudrait pas être juge et partie… Comment faut-il l’interpréter ? »
Ben, en relisant plus lentement le passage de l’article du Huffington (je m’en souviens bien, c’est moi qui l’ai écrit). Il n’est pas du tout dit que Sarkozy « ne voudrait pas être juge et partie » mais que l’avocat du CRAC et de DDA a demandé sa récusation pour éviter qu’il le soit, ce à quoi le Conseil constitutionnel a répondu que Sarko n’interviendrait pas sur ce dossier.
« Le succès immense de José Tomas qui a fait les Unes du Monde entier et notamment du Guardian n’a eu que très peu d’échos en France »
C’est bien la preuve que, à part pour une poignée d’aficionados pour qui c’est un évènement planétaire, ça n’intéresse plus personne en France qu’un torero massacre six taureaux d’affilée.
« Elle a su suborner la majorité des élus catalans, le maire de Bogota et le président de la République Equatorienne »
Là, c’est carrément hilarant ! Alors, de deux choses l’une : ou l’auteur de l’article ne sait pas ce que veut dire le mot « suborner », ou il pense vraiment que les anti-corridas sont si puissants qu’ils ont les moyens de corrompre et de soudoyer à eux seuls la majorité des élus catalans, le maire de Bogota et le président de la République Équatorienne. Rien que ça. Parce que, pour ce monsieur, c’est une hypothèse qui lui semble plus vraisemblable que d’imaginer une seconde que toutes ces personnes puissent avoir une opinion personnelle sur la question et que justement, cette opinion puisse être différente de la sienne. Comme c’est aussi le cas pour plus de 90% des Français, probablement subornés eux aussi.
Hé ben dis donc, si on avait seulement le centième d’un tel pouvoir, la corrida aurait déjà disparu depuis longtemps de notre pays…
c est sur que la corrida sera abolie un jour ..mais allez dire ça au prochain taureau sur la liste qui va se faire trucider…
c est pas pour Bientot..NON …il faut que ça soit pour maintenant, que cette saloperie soit rayer de notre civilisation..une bonne fois pour toute
C’est à ce prochain taureau que nous pensons tous, en espérant comme vous qu’il n’y en aura pas de prochain, du moins en France, nous sommes tout près du but.
Dans d’autres pays, malheureusement, cette barbarie est loin d’être terminée et il faudra tout faire pour y mettre fin aussi.
A voir : http://www.midilibre.fr/2012/09/20/dma-sondage-midi-libre-corrida-48-votent-l-interdiction,565594.php
Même si ce nouveau sondage confirme tous les autres (une majorité des Français veut l’abolition de la corrida partout en France), le découpage entre résultats dans les départements taurins par rapport aux non taurins me semble plus que douteux.
En effet, l’échantillon est de 1003 personnes. La population des départements taurins doit représenter en gros 10% de la population totale française. Cela veut dire que les pourcentages calculés sur les départements taurins impliquent en gros 100 personnes, ce qui est bien trop peu pour quoi que ce soit de significatif puisse en être tiré.
Selon un autre sondage de l’institut CSA réalisé pour le CRAC, 57% des Français sont en faveur de l’interdiction de la corrida contre 43% pour son maintien. Le CSA précise que « leur opinion sur la question a manifestement connu une évolution ces dernières années dans la mesure où ils étaient bien plus partagés en 2007 (50% y étaient favorables, 47% opposés et 3% ne se prononçaient pas) ». L’échantillon était de 1007 personnes.
Quand on compare ce sondage à celui de l’IFOP, tous les deux ont été réalisés sur la même durée, avec la même méthodologie (les quotas) et sur des échantillons de taille quasi identiques. La grande variabilité (48% pour l’abolition et 42% pour le maintien d’après l’IFOP, contre 57% pour l’abolition et 43% pour le maintien) montre à quel point un échantillon aussi petit qu’un millier de personnes ne peut prétendre à une grande précision… même si dans les deux cas, la majorité est pour l’abolition.
Très pertinentes remarques. Merci Anna.