Corrida, le déshonneur des aficionados

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Nous n’étions qu’une poignée face aux Arènes, aux pieds de la statue de El Nimeno II, à l’appel du CRAC et du CLAM, pour dire non à la corrida. Quand j’ai vu l’esplanade de 3500 m2 complètement déserte, je me suis dit « bon ben c’est loupé, personne ne va même nous voir ».

J’avais tort. Il ne faut jamais sous-estimer la bêtise de son adversaire. Et de ce côté-là, on peut dire que les aficionados ont tout fait pour qu’on parle de nous.

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Tous vêtus de noir, nous étions déterminés à manifester on ne peut plus pacifiquement puisque nous étions une vingtaine à être allongés sans bouger et sans parler sur le sol, portant des cornes de taureau et des fausses banderilles dans le dos. Pour le symbole, des flaques de faux-sang avaient été versées autour de nous. Les autres participants tenaient des banderoles, eux aussi silencieux et immobiles.

Derrière nous, une vidéo défilait sur un petit écran et montrait quelques scènes-clé d’une corrida : le moment où on scie les cornes des taureaux pour les affoler avant leur entrée dans l’arène, les cris de douleur de l’animal dégoulinant de sang, l’homme qui achève un taureau en train d’agoniser avec un poignard qu’il tourne et retourne jusqu’à ce que la tête retombe au sol, celui qui coupe les oreilles alors qu’il respire encore. La corrida, quoi…

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Il faut croire que, même comme cela, notre seule présence silencieuse et immobile sur un minuscule carré de cinq mètres de côté représentait une menace intolérable pour les pro-corridas.

En effet, pendant que nous étions là, une vraie corrida se terminait dans les Arènes et les spectateurs ressortaient par centaines. En nous voyant, ils sont devenus comme fous et ont couru vers nous.

Les policiers qui assuraient la sécurité ont eu du mal à les contenir.

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L’un des allumés a hurlé : « Vous manquez de respect à nos morts », faisant allusion à la statue de El Nimeno. Ce torero nîmois est en effet considéré comme un demi-dieu par les aficionados. Une vénération surprenante, voire perverse, quand on pense qu’il s’est suicidé un an après avoir été sévèrement blessé par un Miura qui ne comptait pas se laisser massacrer ce jour-là – alors, c’est qui le héros ?

D’autres n’ont pas hésité à faire le salut nazi, histoire qu’on comprenne bien à quel idéal ils se rattachaient. Les plus excités ont essayé d’arracher nos banderoles. Mais la plupart ne savaient rien faire d’autre que hurler.

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Les policiers ne s’y trompaient pas, comme on le voit sur la photo ci-dessus : pour eux, il était évident que le danger ne venait pas de nous mais de la meute des aficionados. C’est à eux qu’ils faisaient face pour les dissuader de nous rentrer dedans.

Sur tous leurs visages, on lisait la haine, mais aussi la peur. Peur de voir leur « tradition » barbare en train de se déliter un peu partout, avec les arènes de moins en moins remplies et un nombre croissant de pays prétendument « traditionnels » proclamer l’abolition de la corrida, les uns après les autres. Peur de ce que Jean-Pierre Garrigues, vice-président du CRAC, leur défiait de faire dans un mégaphone – organiser un référendum national pour décider du maintien ou de l’abandon des corridas. Peur d’eux-mêmes et de leur comportement imbécile à notre égard.

Même s’ils étaient mille et nous une trentaine – admirez leur courage – ils ne savaient rien faire d’autre, face à nos sourires, que de beugler leurs injures et leur dépit. Si ça ce n’est pas de la peur… Au passage, je tiens à rendre hommage aux policiers, remarquables de sang-froid et de professionnalisme.

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En rentrant, nous avons appris que le matin même, des militants anti-corrida avaient déployé des banderoles dans le bureau du ministre de la culture et à l’Assemblée Nationale.

Avant même que nous arrivions à la maison, les messages fusaient déjà dans tous les sens sur Facebook pour se réjouir de l’action que nous venions de mener et de la façon dont une foule d’excités gavés de sang avait rendu à ce point visible notre groupe minuscule de manifestants non-violents. Grâce à eux, l’esplanade était pleine et nous, au centre de tous les regards.

Il aurait suffi qu’ils nous ignorent pour que personne ne nous remarque. Mais vingt personnes silencieuses couchées sur vingt mètres carrés qui ne pensent pas comme eux, c’était déjà trop pour ces gens qui se targuent de promouvoir la liberté (de torturer en paix), en habillant leur barbarie de mots dévoyés comme « bravoure », « noblesse » et « honneur ». Des mots dont ils ne comprennent décidément pas le sens.

Très belle journée à vous

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La suite ici.

13 Replies to “Corrida, le déshonneur des aficionados”

  1. sylvana Post author

    Merci Anti de m’avoir fait vivre cet instant (quelques secondes, mais que du bonheur) par portable. Cela m’a rappelée de bons souvenirs -le début du combat- il y a une vingtaine d’année, j’espère que cet IGNOMINIE est en fin de course. Il suffirait simplement que les subventions soient supprimées, par temps de crise, ce serait la moindre des choses !

  2. terrevive Post author

    C’est incroyable !
    Tant de violence de la part des pro-corrida ! Heureusement que les policiers ont fait un rempart. C’est dément !
    Vivement que les corridas soient interdites !

  3. anti Post author

    Bien sûr que nous avons pensé à toi Sylvana, une des pionnières de ce combat ! Ta présence était palpable même si non physique.

    Cet après-midi aura été une réussite à bien des points de vues. Tractage massif, personnes interpellées par ce qu’est réellement la corrida grâce à cette action et aux vidéos passées, rencontres riches et belles. Elle aura été aussi éprouvante : aller manifester avec un lumbago c’est une expérience, entendre une bête hurler à la mort est pire encore, être agressée a été le pompon ! De nombreuses personnes ni pour ni contre ont été choquées par l’attitude violente des aficionados, choquées d’apprendre que se sont les contribuables qui paient ces séances de torture, choquées de toucher de si près l’horreur de ce qu’est une corrida.

    3000 l’an dernier pour la manifestation nationale, une bonne cinquantaine à Nîmes hier pour une action préparée à l’arrache, c’est bien. Bravo à tous !

    anti

  4. valentine Post author

    Inimaginable ce déferlement de haine face à une manifestation de non-violence et de respect, quelle horreur! Sourires d’un côté, visages crispés de l’autre et main levée, comble de l’indignité.

  5. Anna Galore Post author

    Au passage, un énorme bisou à Sylvia, la sœur d’Anti, qui a fait un aller-retour en train de Montpellier rien que pour être présente, d’abord allongée sur le sol parmi nous puis à tenir l’une des banderoles avec Anti.

    🙂

  6. claudia Post author

    j’y étais, et je peux vous dire que cet article est superbe car il vous décrit exactement ce qui s’est passé hier; MERCI à Anna Galore, et , comme elle, je remercie aussi les policiers qui nous ont encadrés et soutenus, sans eux on pourrait compter les blessés aujourd’hui !

  7. claudia Post author

    il faudra que la France ENTIERE se mobilise, qu’il y ait des manifestations dans TOUTES les villes, pas seulement Paris et celles du Sud; à ce moment là les choses auraient des chances de bouger + vite. Mais de nous soutenir moralement, d’être avec nous par la pensée, d’être du même avis, de nous féliciter ne sert à RIEN pour faire avancer le problème vers une solution. Que TOUTES les VILLES de FRANCE organisent, chacune à leur tour, des évènements pour manifester leur opposition à la corrida, voilà ce qu’on apprécierait !

  8. Anna Galore Post author

    « Mais de nous soutenir moralement, d’être avec nous par la pensée, d’être du même avis, de nous féliciter ne sert à RIEN pour faire avancer le problème vers une solution.  »

    Cela servira le jour où nous pourrons voter sur ce sujet. Une soixantaine de députés menés par Simone Veil se démènent pour que l’abolition de la corrida soit mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Quand ils y parviendront – et ils y parviendront – le soutien d’une large majorité de Français sera sans aucun doute un argument majeur pour que nos chers députés votent dans le sens de leur électorat.

    Pour rappel, il n’y a en France que 11 départements où la corrida est tolérée. C’est 11 de trop, on est bien d’accord, mais la bonne nouvelle, c’est qu’elle est interdite par la loi sur la répression des tortures animales dans les 86 autres. Ceux-là voteront pour l’abolition si on leur demande leur avis, ce qui montre, une fois encore, que les procorridas sont ultra minoritaires comme le rappelait hier Jean-Pierre Garrigues.

    D’ici là, d’accord avec vous : seule l’action fait progresser les choses.

  9. Sylvia Post author

    Je ne m’étais jamais trouvée face à tant de visages haineux, ça m’a beaucoup choquée. Ces gens sont des fous furieux !

    J’ai vraiment senti la protection de la police, j’ai vu leurs sourires pour nous rassurer.

    Pendant ce temps là, un animal se faisait massacrer et hurlait de douleur.

    Tout cela doit s’arrêter. On reviendra.

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