Nous avons reçu hier encore un très beau texte de Jean-Gabriel Foucaud. Le voici en substance :
54e courrier : 2011, violence et dignité.
Bonjour
Le courrier va être suspendu quelques jours, le temps pour certains d’entre nous de nous livrer à cet apprentissage si particulier qu’est une Quête de vision. Je voudrais pouvoir rendre sensible aux lecteurs de ce courrier le lien entre le texte cité et l’utilité des Quêtes de vision.
Mais d’abord et encore ce blog ami qui accueille et diffuse notre courrier : http://www.annagaloreleblog.com/archive/2011/07/26/presence-du-chamanisme-nouveau-courrier-du-15-juillet.html
Pour ceux qui ne pouvaient y venir ou qui ont la chance d’être dans des lieux de grande solitude, je présente ce magnifique texte issu de l’œuvre de Tahca Uhste (John Fire lame Deer) intitulée « De mémoire indienne » enfin retraduit aux éditions Présence Image & Sons. Ce texte se trouve dans le chapitre Médecine bonne et mauvaise (p. 233 de la nouvelle édition et p. 202 de l’ancienne).
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« Le wicasa wakan tient à être seul ; il veut demeurer… à l’écart de la foule et des affaires au jour le jour. Il se plaît à méditer, appuyé à un tronc d’arbre ou contre un rocher, sentant la terre bouger sous ses pieds, sentant au-dessus de lui la pesanteur du grand ciel enflammé. C’est dans de telles conditions qu’il peut se représenter COMMENT VA LE MONDE. Les yeux fermés, il distingue, clairement, bien des phénomènes. Seule compte sa vision intérieure du monde.
Le wicasa wakan aime le silence ; il s’enveloppe en lui comme dans une couverture – un silence lourd, avec une voix semblable au tonnerre, qui l’entretient de nombreux sujets. Un tel homme se complaît en un lieu où l’on n’entend rien, que le bourdonnement des insectes. Il s’assied face à l’occident, implorant une aide. Il parle aux plantes et elles lui répondent. Il écoute les voix de… toutes les créatures animales de la surface de la Terre. Il est à l’unisson avec elles. De tous les êtres vivants, une émanation incessante le gagne et il transmet cette force.
Un voyant guérisseur de ce genre n’est ni bon, ni mauvais ; il vit – voilà ce qu’il est et c’est bien ainsi »
Cette parole, admirable, est une manière de nous rappeler comment vivre cette année 2011, année 12 roseau dans le calendrier mexicain dont nous rappelons sans cesse avec Francine Rousseau la pertinence. Le régent de l’année est Tepeyollotl, qui met en évidence la magie nécessaire pour faire face aux forces brutales et appétits violents à l’oeuvre dans le monde.
Regardons un instant cette année marquée par la brutalité sanguinaire de dictatueurs [ce lapsus calami est trop beau pour être corrigé] qui en grappe passent de la révérence populaire obligée au saut dans le vide de l’indignité (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi entre autres). Regardons comment la cupidité de Monsanto (tueur aux OGM), de Servier, le médiator qui tue, d’Halliburton qui détruit la Terre quand il s’agit d’exploiter le gaz de schiste. Ou encore la folie de Norvège récemment. Regardons le capitalisme financier qui prend tout ce qu’il peut dans une fuite en avant effrénée. Regardons encore ce que je signalais lors de la conférence de février au “temps du corps” comment l’appétit sexuel sans freins va détruire la dignité. 2011 : année de la reconquête de sa dignité, année de l’explosion aux yeux de tous de la voracité sans freins de ses appétits, année de la qualité d’expression de ses forces vives, année où être humains ou terrestres explosent, implosent ou s’améliorent dans l’expression élégante et apaisée de leur nature personnelle. Année radicale sur ce plan : violence brute ou qualité disciplinée.
Lors de l’enveloppement dans le “manteau de silence” qu’est une Quête de vision ou de tout temps de retraite ou de toute construction d’une perception en retrait de son être au milieu d’une foule affairée, que vivre ? Sinon construire peu à peu comment au-delà des apparences du visible, des peurs infantiles qui emplissent l’esprit immature, vit vraiment le monde est l’affaire de cette année. Sentir comment gronde la Terre ou comment et pourquoi elle se régénère.
Découvrir comment aussi pour sa part, la quête de la construction de son élégance verbale, affective, gestuelle, érotique et de la forme la plus généreuse que notre vitalité peut prendre est l’objet des transformations à vivre encore et encore lors des mois à venir.
À bientôt.
J.G.Foucaud
anti
Très beau texte de Tahca Uhste et commentaire saisissant de Jean-Gabriel. Oui, les « forces brutales et appétits violents à l’oeuvre dans le monde » nous agressent en permanence (et quand je dis nous, ce ne sont pas seulement les humains, c’est toute la planète) et nous conduisent de façon certaine à notre anéantissement si nous ne parvenons pas à les freiner en leur opposant cette « qualité disciplinée » dont parle Jean-Gabriel.
Nous avons grand besoin de « manteaux de silence », quelle que soit leur forme…