Après l’annonce stupéfiante le 22 avril 2011 de l’inscription de la corrida au patrimoine culturel de la France, qui suit l’existence non moins stupéfiante du crétinissime alinéa 3 à l’article 521.1 du code pénal intitulé « Des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux » – alinéa qui précise que, parmi ces sévices et actes de cruauté, la corrida est tolérée dès lors qu’une « tradition locale ininterrompue peut être invoquée » – je propose à notre détestable ministre de la culture de ne pas s’arrêter en si bon chemin et d’étendre le concept de « tortures tolérées » à d’autres espèces animales pour le plus grand rayonnement culturel de la France dans le monde.
Et là, s’il y a un animal qui s’impose plus que tout autre pour bénéficier d’une telle avancée humaniste et culturelle, c’est bien le chat.
Dans notre beau pays « aux racines chrétiennes », comme se plaisent à le rappeler notre président et ses sbires les plus proches, le chat a été d’emblée considéré par l’Église catholique naissante comme un émissaire du Diable. La preuve, disait-elle à l’époque, c’est qu’il était l’animal favori des païens qui peuplaient nos villes et nos campagnes. D’ailleurs, il a souvent le regard fixe et il adore les caresses, deux signes incontestables de sa nature satanique.
Dès le tout début du Moyen-âge se sont tenus des procès instruits à la demande du Pape par des hommes d’église (donc forcément emplis de bonté) qui ont jugé et condamné à mort tous les chats noirs qu’ils parvenaient à attraper, puis très vite tous les autres quelle que soit la couleur de leur pelage. Les exécutions consistaient la plupart du temps à les crucifier ou à les écorcher vifs, voire les deux. Il était aussi possible de recourir au bûcher. Par exemple, en 1344 à Metz, à la suite d’une épidémie de danse de Saint-Guy, il fut décidé de brûler chaque année treize chats mis dans une cage de fer.
Le succès croissant de la religion catholique permit à cette sainte croisade contre le Mal de s’étendre rapidement à toute l’Europe. Le massacre se généralisa.
Un petit peu trop, là, quand même. La raréfaction des chats fit que, vers l’an 1400, lorsque des navires revinrent d’Orient avec dans leurs cales des rats noirs, ces derniers ne rencontrant quasiment plus aucun prédateur purent pulluler en toute quiétude. Le problème, c’est qu’ils étaient bourrés de puces, elles-mêmes infectées par la peste. L’épidémie, gigantesque, fit périr les 2/3 de la population en un temps record. Sans aucun doute un sale coup du Diable en personne.
A peu près à la même époque, à Ypres en Belgique, l’Église faisait lancer des chats depuis la plus haute tour de la ville pour bien montrer que la population avait abandonné son attirance païenne pour ces animaux maléfiques. La foule les achevait à coups de bâton et c’était une grande fête qui, d’ailleurs, est toujours célébrée de nos jours chaque deuxième dimanche de mai, avec défilé de chars et tout et tout. La seule nuance est que désormais ce sont des chats en peluche qui sont jetés du haut de la tour. Charmant, non ?
Au XVe siècle à Paris, pour la Saint-Jean, on brûlait vifs des chats sur l’actuelle place de l’Hôtel de Ville (autrefois place de Grève, également utilisée pour les crémations de sorcières).
Ne croyez pas que les élites à la tête de la nation jugeaient de telles pratiques sordides comme seul le bas-peuple à l’esprit arriéré peut en commettre. Le roi Louis XI venait en personne enflammer les fagots sur lesquels on jetait les chats. Henri IV dit « le bon roi », ne manquait jamais le spectacle. Et pourtant, ils n’avaient aucune arrière-pensée électoraliste à l’époque, ils étaient souverains à vie. C’est donc vraiment qu’ils aimaient ça.
La technique qui faisait le plus rire la foule en délire consistait à mettre les chats dans un sac qu’on descendait et remontait au-dessus des flammes jusqu’à ce que leurs hurlements s’arrêtent. C’est Louis XIV qui finit par interdire cette pratique. Elle persista pourtant encore un siècle et demi et ne disparut qu’avec la Révolution.
De nos jours, il est encore fréquent et socialement admis que des gens parfaitement normaux avec une vie de famille bien rangée et un niveau d’éducation tout ce qu’il y a de plus respectable décident sans hésiter de se débarrasser de chatons nouveau-nés pour convenance personnelle, simplement parce que ça les embête de les donner à un refuge quand ils ne veulent pas les garder. Ils les noient, les jettent contre un mur ou les asphyxient à l’éther suivant ce qu’ils estiment être le plus pratique.
Il me semble donc solidement établi qu’une « tradition locale ininterrompue peut être invoquée » afin d’autoriser les « sévices graves ou actes de cruauté » envers les chats. Puisque pour les taureaux il a suffi que cette tradition remonte à seulement deux siècles (création de la corrida sous sa forme actuelle), je ne vois pas pourquoi celle qui consiste à martyriser les chats depuis plus de mille ans de façon ininterrompue serait moins éligible à être couverte officiellement par le fameux alinéa 3 de l’article 521.1.
Dès que cette petite formalité juridique aura été réglée, nous pourrons demander solennellement à notre Sinistre de l’Incurie d’inscrire à son tour la torture des chats au patrimoine culturel de l’humanité. Et ce ne sera qu’un premier pas.
Nous pourrons ensuite procéder de même pour la légalisation officielle puis la célébration en grandes pompes de l’esclavage, du viol et de l’usage de la torture sur les prisonniers, autres vieilles traditions locales ininterrompues depuis l’aube de l’humanité.
Est-ce vraiment cela que nous somme censés vouloir et applaudir ? Est-ce que la torture et la barbarie, sous quelques formes qu’elles s’exercent, peuvent être non seulement légalisées mais être même élevées au rang de patrimoine culturel revendiqué ?
Pour les taureaux, c’est le cas. C’est aujourd’hui une réalité tout ce qu’il y a de plus obscène. Cette réalité, il faut la faire abolir.
« La tauromachie est l’art scélérat et vénal de torturer et de mettre à mort des animaux selon des règles, dans la légalité et en public. Elle traumatise les enfants et les adultes sensibles. Elle aggrave l’état des psychopathes attirés par ce genre de spectacles. Elle dénature la relation entre l’homme et l’animal. Ce type de spectacle est contre la morale, la science et la culture. » (Définition de la tauromachie par l’UNESCO, 1980).
Crédit photos :
(1) Les chats brûlés en place de Grève à la Saint-Jean, gravure ancienne
(2) Anna Galore
(3) salvanimal.com
Cet article a également été mis en ligne sur Le Post
Partagé.
anti
Il n’y a qu’une seule action possible pour contrer ce non-sens odieux et elle est à portée de main, c’est celle que mènent toutes les associations anti-corrida : obtenir l’abrogation de l’alinéa 3. Tôt ou tard, nous y parviendrons, c’est une certitude. Espérons que ce sera tôt.
Je me joins à ton indignation !!! … incompréhensible !
Je partage aussi cet avis.
Vers minuit, mon article mis en ligne sur Le Post avait été repris par près d’une centaine de personnes sur Facebook.
Tout à fait d’accord!!!
Je n’en reviens pas ! Ça me dépasse ! Je suis outrée.
A signer en ligne et à diffuser, cette pétition de 30 millions d’amis :
http://www.30millionsdamis.fr/agir-pour-les-animaux/petitions/signer-petition/pour-declassifier-la-corrida-du-patrimoine-culturel-francais-24.html
anti