Jeudi dernier, le Tribunal de Grande instance de Digne a ordonné la destruction d’une yourte de 35 m² construite sur une terre agricole à Volx. Elle appartient à Boï, un Rom dont nous avons parlé plus d’une fois sur ce blog.
Boï est en effet un homme aux talents multiples : éleveur de chevaux, musicien, conteur, réalisateur, acteur et même un peu plus. En effet, cette yourte qu’il a posé là depuis des années, il s’en servait dans un but précis : « Je suis un mainteneur de la tradition rom et cette yourte sert chaque jeudi à éduquer nos enfants à nos traditions anciennes et à méditer. »
Il a déclaré qu’il respecterait la décision du tribunal. Ce qui ne veut pas dire qu’il se contentera de se taire, bien au contraire. »Je brûlerai la yourte le 24 avril dimanche de Pâques, mais avec tous les camps de gitans de la région et leurs roulottes dans Volx. Et nous partirons tous sur la route vers Forcalquier le Lundi de Pâques. Tout cela sera pacifique, mais nous voulons tirer l’attention sur cette affaire injuste. »
C’est le journal La Provence qui a rapporté l’évènement, repris par le groupe Rroms dont nous faisons partie, Anti et moi, sur Le Post. De nombreuses personnes ont d’ores et déjà prévu d’être présentes à Volx, le 24 avril, pour montrer leur soutien à Boï et protester une fois de plus contre ces lois imbéciles qui autorisent le pouvoir à démanteler les habitats dits précaires.
Partout, les jugements tombent qui interdisent les yourtes y compris sur les terrains appartenant parfois depuis des années aux particuliers qui décident d’opter pour cet habitat, alors qu’ils ne dérangent absolument personne et qu’ils sont chez eux. Il ne fait pas bon être « différent » dans notre pays…
Il y en a qui gagneraient à relire ce texte écrit en 1956 en guise de préface pour Chez nous en France, un livre d’école destiné aux classes de cours moyen.
« Les années se succédaient, et perpétuellement ils couraient la France, ces hommes et ces femmes, n’entrant dans les lieux habités que pour donner leurs représentations, et revenir bien vite après camper sous le toit du ciel, autour de leurs voitures.
Un jour, ils étaient en Flandre, au pied d’une de ces collines noires formées des scories et des cendres de la houille, dans un de ces paysages plats, aux rivières endormies, aux perspectives coupées de tous côtés de hautes cheminées de briques fumantes. Un jour, ils étaient en Alsace, parmi les décombres d’un vieux château repris et reconquis par la nature […]. Un jour, ils étaient en Normandie sous un grande verger de pommiers, non loin d’un toit de ferme moussu, au bord d’un ruisseau chantant dans le haut gazon d’un herbage. Un jour, ils étaient en Bretagne, par la grève caillouteuse, entre les rochers gris, le noir infini de l’océan devant eux. Un jour, ils étaient en Lorraine […], en Touraine, […], dans le Dauphiné […], en Auvergne […], en Provence […].
Et par cette existence éternellement voyageuse en toutes les saisons diverses, à travers toutes ces contrées dissemblables, il était donné à ce monde de toujours avoir devant soi l’espace libre, de toujours être dans la pure lumière du ciel, de toujours respirer le plein air, de l’air venant de passer sur des foins ou des bruyères, et de s’enivrer, matin et soir, les yeux du spectacle nouveau des aurores et des crépuscules… »
L’auteur de ce texte intitulé Bohémiens à travers la France, c’est Edmond de Goncourt. Vous pouvez en lire l’intégralité en cliquant sur l’image ci-contre pour l’afficher en grand. Les auteurs du livre concluaient ainsi : « Comme ces Bohémiens, nous allons vagabonder chez nous, en France » avant de décrire chaque région de France par des chansons, des récits et des poèmes.
Heureuse époque où les Roms étaient donnés en exemple aux écoliers qui rêvaient d’une vie libre et leur donnaient envie de découvrir les terres de leur pays, le nôtre, la France.
Très belle journée à vous
Photos :
(1) L’affiche du film « Le Patchivalo », avec Boï dans le rôle principal
(2) Le fils de Boï, qui est venu nous faire rire sur le stand des Voyageurs au sang d’or aux Saintes-Maries en mai 2010
(3) La couverture du livre « Chez nous en France »
(4) Le texte d’Edmond de Goncourt (cliquer dessus pour l’agrandir)
Pourquoi s’acharner ainsi contre tout ce qui n’est pas maison en dur !
A l’époque du livre « Chez nous en France », il y avait ouverture, compréhension, enrichissement mutuel. Que se passe-t-il donc ?
Je trouve lamentable de voir cette intolérance vis-à-vis de tout ce qui ne correspond pas à un certain conformisme, s’installer de plus en plus, et de façon cruelle en plus.
l’occasion de faire un tour chez yurtao.canalblog.com
Ouaip ! J’espère que tu auras le temps de reprendre l’article sur Le Post pour qu’il soit bien visible ! Ce qui se passe aussi bien au niveau des Yourtes que des gens du voyage est scandaleux.
J’aime beaucoup la réponse de Boï, « ok, je vais le faire et on sera tous là ». Il y a un maire qui doit trembler dans ses chaussettes… J’espère que nous pourrons en être aussi le 24. A suivre !
anti
Ah ! Et, évidemment, gros coup de cœur pour ce manuel de Cours Moyen qui est une pure merveille d’intelligence. Dommage qu’on soit passé de Goncourt à Ratus et ses amis…
C’est scandaleux ça aussi, l’éducation au rabais.
anti