A l’intérieur de nous

Une journée où on a à peine la force de se lever parce que des petites bestioles invisibles à l’œil nu ont décidé de vous clouer au lit avec une bonne fièvre, c’est l’occasion de réaliser à quel point nous sommes fragiles. Et de faire un petit peu d’introspection… ne serait-ce qu’au sens le plus basique du terme : en regardant ce qui se trouve à l’intérieur de nous. Physiquement, je veux dire.

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J’ai souvent pensé que le sommet de la Création n’est pas l’être humain mais les virus. Ils ont été les premières formes de vie à apparaître il y a près de 4 milliards d’années et ils sont les seuls à être toujours là, après avoir traversé toutes les ères géologiques de notre planète sans jamais disparaître.

Sur la deuxième marche du podium des espèces qui ont résisté le plus longtemps à tout, il doit y avoir les scorpions et les requins, tous deux apparus il y a un peu moins de 500 millions d’années et qui ont survécu à tous les cataclysmes planétaires survenus depuis, tels ceux qui ont éradiqué les dinosaures et bien d’autres formes de vie.

Russell Vreeland.jpgEt en troisième viennent les bactéries. La plus âgée connue a 250 millions d’années et elle est toujours vivante. On l’a retrouvée à 600 mètres de profondeur, endormie dans un cristal de sel. Elle est en pleine forme. Un bon petit somme, ça vous requinque.

L’homme, lui, a moins de 200 000 ans et ses ancêtres hominidés les plus anciens tout au plus 7 millions d’années. Quoi qu’il en pense dans ses moments les plus mégalomanes en se croyant la forme de vie la plus évoluée de toutes celles connues, voire même celui que Dieu a créé à son image, il serait tout simplement inapte à la vie s’il n’hébergeait pas en son sein certaines de ces petites bestioles invisibles à l’œil nu qui parfois le terrassent aussi facilement.

Car figurez-vous que l’homme, sans les bactéries qui l’habitent, serait incapable de survivre plus de quelques minutes.

Pour commencer, il est dans l’incapacité totale de digérer la cellulose. Or, la cellulose représente à elle seule 50% de toute la biomasse de la planète et on en mange tous les jours : elle est l’un des éléments constitutifs de tout ce qui est végétal dans notre nourriture – les légumes, les fruits, les sucres, les céréales et tutti quanti.

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Ce qui nous permet de digérer la cellulose, ce n’est pas notre merveilleux organisme à la pointe de l’évolution. Ce sont les bactéries. Elles colonisent notre corps (et celui de bien d’autres espèces, depuis les termites jusqu’aux bovins) dès les premiers jours qui suivent notre naissance.

Pour les bactéries, la cellulose, c’est l’aliment de base. En fait, la première des raisons pour laquelle nous en mangeons, c’est pour les nourrir, elles. En échange, elles en tirent des substances élémentaires qui permettent à nos organes et à nos cellules de fonctionner normalement. Elles ont aussi l’amabilité de fabriquer pour nous des molécules qui nous sont indispensables, telle la vitamine K sans laquelle notre sang ne coagulerait pas. Bref, nous ne pourrions pas vivre sans elles. Elles, elles pourraient vivre sans nous, mais bien plus difficilement qu’avec nous. Une merveilleuse illustration de la notion, si universelle, de l’interdépendance.

ecoli1.jpgOn les appelle, de façon tout à fait impropre, la flore intestinale alors que ce ne sont pas des plantes et qu’elles vivent également ailleurs que dans les intestins. Chacun de nous en abrite cent mille milliards, dix fois plus que nous n’avons de cellules. Elles représentent à elles seules 1,5 kg de notre poids et totalise cent fois plus de gènes que nous n’en avons dans notre génome. Si quelqu’un est le sommet de la Création, c’est plutôt elles que nous. Et, encore plus sidérant à mes yeux, chacun de nous en héberge une population différente, à l’exception d’un tout petit nombre d’entre elles communes à tous les humains.

Alors voilà, quand j’ai un petit coup de fièvre ou que cela arrive à quelqu’un de mon entourage, je pense à ces petites bestioles microscopiques, qui peuvent certes nous rendre malades ou même nous tuer, mais à qui nous devons tous les autres jours de notre vie d’être vivants.

Très belle journée à vous

La 2e et la 4e photos proviennent d’un site universitaire et de Wikipedia. Les autres sont de moi.

11 Replies to “A l’intérieur de nous”

  1. anti Post author

    « c’est l’occasion de réaliser à quel point nous sommes fragiles »

    C’est l’occasion de ré-écouter le magnifique morceau de Sting aussi 😉 Mmmm… Merci à toi qui est encore au fond de notre lit.

    http://video.mytaratata.com/video/iLyROoaftNyy.html

    « J’ai souvent pensé que le sommet de la Création n’est pas l’être humain mais les virus. Ils ont été les premières formes de vie à apparaître il y a près de 4 milliards d’années et ils sont les seuls à être toujours là, après avoir traversé toutes les ères géologiques de notre planète sans jamais disparaître.  »

    Cette fascination qui est tienne se retrouve dans tes livres d’ailleurs.

    Dans « Les trois perles de Domérat », l’histoire s’articule avec l’attaque du fameux virus informatique « Amy ».

    Dans « Le septieme livre », tu leur a consacré un très beau passage pp 30-31 :

    « Par la suite, bien avant les dieux, vinrent les virus.

    Dans l’immense chaudron des océans, les éruptions continues et les décharges incessantes d’éclairs monstrueux créèrent les briques élémentaires de tous les futurs systèmes vivants. Les acides nucléiques formèrent les premiers brins d’ADN. Il en fut de même pour les acides aminés qui s’enchaînèrent en protéines de plus en plus complexes. Tout cela grâce à un troisième miracle : aucun de ces assemblages n’aurait jamais pu se faire sans le rôle de catalyseur joué par l’argile. La première des convergences.

    Tout le reste n’a été qu’évolution. L’Homme descend d’un mélange de terre et d’eau, comme le racontent les mythes fondateurs.

    Très vite, il inventa la magie puis les religions, croyant ainsi pouvoir dominer les forces de la Nature ou, du moins, se protéger de ses fureurs. Elle se chargea au long des millénaires de lui rappeler qu’il n’avait aucune chance d’y parvenir. Les ères glaciaires détruisirent bien des espèces. Les réchauffements en firent apparaître des milliers d’autres. Des éruptions volcaniques violentes modifièrent également le climat. Des bouleversements encore plus gigantesques se produisirent lorsque des météorites croisèrent la route de la planète. L’une d’entre elles l’amputa, dans une collision phénoménale, d’une masse de roches qui devint ensuite la Lune. Une autre éradiqua les dinosaures comme un rien, alors qu’ils régnaient sur le monde animal depuis des centaines de millions d’années.

    Peu d’espèces ont traversé les âges sans dommage. Parmi elles, les requins et les araignées, apparus deux cent millions d’années avant les dinosaures et toujours présents aujourd’hui ; ou d’autres, vivant au fond des abimes océaniques, dont l’existence restera à jamais inconnue des habitants de la surface.

    L’Homme ne fut pas moins stupide que les sauriens géants du Crétacé. Dans son infinie suffisance, il en vint à croire, après avoir colonisé l’ensemble des terres émergées, que sa domination du monde serait éternelle.

    Pourtant, des forces qui le dépassent l’élimineront tôt ou tard, comme elles l’ont fait de millions d’autres espèces depuis que la vie existe. De cela, il ne fait aucun doute. Les deux seules incertitudes sont quand et comment.

    Peut-être le coup fatal viendra-t-il des plus anciens habitants de la planète. Les seuls à n’avoir jamais disparu et à s’être toujours adaptés. Ces créatures primitives et microscopiques ont causé, depuis l’aube de l’humanité, largement autant de victimes que les guerres et les massacres. Les virus. Ils étaient là bien avant les hommes. Ils seront là bien après. »

    ——
    « Alors voilà, quand j’ai un petit coup de fièvre ou que cela arrive à quelqu’un de mon entourage, je pense à ces petites bestioles microscopiques, qui peuvent certes nous rendre malades ou même nous tuer, mais à qui nous devons tous les autres jours de notre vie d’être vivants. »

    Encore et toujours la voie du milieu, celle du subtil équilibre…

    La classe quand même d’arriver à ce cheminement du fin fond de ta torpeur 😉

    anti, impressionnée.

  2. Netsah Post author

    Quand anti nous refait la guerre des mondes mais version intraplanetaire 😀
    L’espèce humaine, contrairement aux dinosaures, ont cette faculté d’apprendre du passé (beaucoup sont trop cons pour ça je suis d’accord, mais heureusement les chercheurs dans l’ombre qui s’occupent de notre évolution et notre survie, eux s’y intéressent souvent). Si l’espèce humaine disparait ce sera par autre chose qu’un virus à mon avis, car tout simplement si le virus n’a plus rien à vérolé, après ses multiple évolutions, il disparait, et il y a une intelligence et un sens de la survie sur ces êtres minuscule bien plus évoluée que beaucoup ne le pense.. Si on considère l’être humain, évolution avancée des premiers virus, on peut, d’une part, le considérer comme le virus le plus dangereux pour son écosystème, et d’autre part en déduire qu’il n’hésitera pas à évoluer pour survivre.
    Dans tous les cas ce qui est sûr c’est qu’on est bien peu de chose.

    En ce qui concerne la vie on ne sait toujours pas vraiment d’où elle vient, sauf qu’elle est arrivée après l’eau. On n’est même pas vraiment sûr de comment l’eau est arrivée sur Terre et y est restée.. on a plusieurs théories sur ce sujet.

    Pour moi la forme la plus évolué sur Terre, selon notre plan et de notre vision de ce qu’est l’évolution, ceux sont les bactéries. Ce qui est paradoxal car elles sont primaires. Est-ce que finalement l’évolution n’est pas qu’une illusion ? Est-ce que les êtres vivants évoluent ou se contentent de s’adapter ? o.O

    Personnellement quand j’ai de la fièvre j’ai des réflexions métaphysiques jusqu’à me perdre quelque part aux frontières de l’Univers dans un tourbillon qui regroupe tout ce qui est rationnel et fantasmagorique o.O et puis le doliprane fait effet 😀

  3. anti Post author

    « Quand anti nous refait la guerre des mondes mais version intraplanetaire 😀  »

    Ah mais non ! C’est pas moi, même si j’aurais bien aimé l’écrire ! Il manque une partie de mon commentaire ! Je disais donc qu’Anna était fascinée par les virus depuis longtemps, que l’histoire de « Les trois perles de Domérat » s’articulait autour de l’apparition d’un virus informatique et qu’elle en parlait encore dans « Le septième livre » pp. 30-31 : « citation ».

    « Personnellement quand j’ai de la fièvre j’ai des réflexions métaphysiques jusqu’à me perdre quelque part aux frontières de l’Univers dans un tourbillon qui regroupe tout ce qui est rationnel et fantasmagorique o.O et puis le doliprane fait effet 😀 »

    Mdrrr !

    Sympa vos méditations de fond quand vous êtes souffrants. J’aime 😉

    anti, survivor !

  4. anti Post author

    Ah ben si, ça y est dans le premier com… Bon, c’est pas l’tout, mais en plus du reste, on n’a plus de gaz pour faire à manger… Va falloir agir 😉

    Cocoyote anti, Bip Bip (pizza)

  5. Netsah Post author

    XD j’ai écrit ça parce que dans ton commentaire t’as écrit « Peut-être le coup fatal viendra-t-il des plus anciens habitants de la planète.  » Désolé pour le spoil pour ceux qui n’ont ni lu ni vu la Guerre des Mondes ^^

  6. Anna Galore Post author

    En fait, j’imagine une chouette petite intrigue de SF (si elle n’a pas déjà été écrite).

    Des créatures microscopiques envahissent la Terre. Ce sont les bactéries. Lorsqu’elles se rassemblent en colonies de plusieurs centaines de milliards d’individus, elles forment ensemble une méta-intelligence supérieure à toute autre forme évoluée de l’Univers. Leur problème est de profiter de la biomasse végétale de la planète sans jamais l’épuiser. Elles conçoivent alors un plan parfait pour vivre dans l’opulence : créer des assemblages organiques dans lesquels elles vont vivre et qui seront conçus pour être à la fois (1) mobiles et (2) capables de se reproduire de façon autonome à l’infini. La mobilité de ces habitats sophistiqués permettra aux bactéries d’être transportées autour de la planète sans effort. Leur reproduction assurera qu’ils se répandent partout. Les assemblages seront nommés « animaux ».

    Afin d’optimiser leur fonctionnement, leurs déjections fertilisent la terre et augmente de ce fait la biomasse végétale. Dans le cadre de leur conception, ils ont été dotés d’un cerveau plus ou moins évolué afin que les bactéries puissent les conditionner inconsciemment à ingérer un maximum de biomasse végétale alors qu’ils n’en ont aucun besoin et qu’ils sont même incapables d’en faire quoi que ce soit.

    Un effet secondaire de la présences des cerveaux fait que certains de ces animaux développent une pensée complexe et s’imaginent le sommet de la création. Ils s’appellent eux-mêmes les humains et se mettent en tête de tout organiser sur Terre, en développant toutes sortes d’idées et de technologies.

    Les bactéries n’y prêtent aucune attention, cela n’a pour elles aucune importance. Elles en riraient, même, si elles avaient la capacité de le faire. Elles savent très bien que ce que les humains appellent Dieu, c’est elles. Tout le reste n’est qu’élucubration dérisoire, reconstruction anthropocentrique, bref, du grand n’importe quoi venant de machineries qu’elles ont créées de toute pièce pour leur usage personnel.

    Un jour, les humains se croient très malins en inventant les antibiotiques. Les bactéries se disent qu’il va falloir sévir si elles ne veulent pas être éradiqués par leurs propres créatures. Elles vont leur montrer qui sont les vrais maîtres de l’Univers.

    (amusant, non ?)

  7. Anna Galore Post author

    Je viens de recevoir cette info, dans la droite ligne de ma note ci-dessus 😉
    ________________________________________

    LES RENDEZ-VOUS DE LA RECHERCHE
    Mardi 30 novembre 2010, 18h30.

    Le monde des microbes

    «Les bactéries, nouveau génome de l’homme ?» Une conférence animée par Sylvie Gruszow, rédactrice en chef adjointe à la Recherche

    Notre tube digestif abrite près d’un kilogramme de bactéries.
    Celles-ci possèdent au moins cent fois plus de gènes différents que nos propres cellules.
    Quel est leur rôle ? Peut-on les manipuler pour contrer certaines maladies chroniques ou l’obésité ?

    Par Joël Doré, directeur de recherche INRA et directeur adjoint de l’unité Microbiologie de l’Alimentation et Santé au centre INRA de Jouy-en-Josas

    Entrée libre dans la limite des places disponibles Inscription possible par fax : 01 40 74 86 00 Palais de la Découverte, Direction de la communication, avenue Franklin-D.-Roosevelt – 75008 Paris

  8. anti Post author

    « Notre tube digestif abrite près d’un kilogramme de bactéries. »

    Certes mais la question reste : 0,8 m de cheveux mouillés, ça pèse combien ? Hein ? Sachant que :

    « Les cheveux mouillés sont plus lourds que les cheveux secs : cela paraît évident et ça l’est. Cependant, cette constatation simple illustre une caractéristique importante du cheveu : il est perméable. Malgré les écailles serrées de sa cuticule et le sébum qui l’enduit naturellement, un cheveu en bon état est susceptible d’absorber plus de 30% de son propre poids en eau. Si le cheveu est déjà abîmé par d’autres facteurs, ce pourcentage peut atteindre 45%. Sa longueur peut alors augmenter de 2% et son diamètre de 15% à 20% ! »

    anti

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