Je vous annonçais dernièrement la sortie toute prochaine du recueil de textes de Jacques Guerrier intitulé « Histoires Brèves d’un monde étrange – Observances« , une œuvre singulière qui s’inscrit à la fois dans les rares écrits de patients psychotiques et parmi les récits de démarches spirituelles, que l’auteur tient à bien distinguer de la pathologie.
Jeudi dernier, M. Guerrier a pu voir le Bon à Tirer de son livre, c’est à dire le premier exemplaire qui en a été fait. Il était venu avec sa compagne, et ce moment a été très émouvant, c’était vraiment touchant de partager leur émerveillement. De voir son nom sur la couverture du livre, il en aurait pleuré. Ils ont pu regarder, toucher, feuilleter, contrôler le BAT et l’auteur a ensuite donné son accord pour l’impression. Là, autre moment important, je l’ai invité à signer le BAT, autant dire à écrire dessus. Je souris en repensant à eMmA quand je lui ai demandé la même chose pour sa Replète, elle n’y arrivait pas ! « Ah mais tu veux que j’écrive dessus ?!!! Ah mais non !!! » Ben si 😉 eMmA a été forte, elle a réussi.
Voilà pour la petite histoire. La validation du BAT des « Histoires Brèves » est parti à l’imprimerie et les livres devraient être livrés chez monsieur Guerrier mercredi 29 septembre. Le lendemain, il se rendra dans sa famille avec quelques exemplaires en cadeaux. Ce sera sans aucun doute un moment très important, d’autant plus qu’il retrouvera entre autre l’une de ces sœurs qui revient exceptionnellement des DOM-TOM où elle vit et qu’il n’a pas vue depuis des années.
Histoires Brèves d’un monde étrange – Observances, de Jacques Guerrier, 130 p., Antipode – Editions du Puits de Roulle, 2010 – 14 €.
Tout ce travail fait depuis des semaines sur et autour de la réalisation de ce livre m’a donné envie de creuser un peu le sujet de la maladie mentale, en l’occurrence la psychose, de la quête spirituelle et du mysticisme. Vaste sujet ! Pour commencer, je propose un article daté de 2008 : Docteur, une expérience mystique, est-ce grave ?
Non, Jésus n’était pas un fou. Non, Paul n’était pas psychotique. Oui, il est encore possible de prendre au sérieux les figures mystiques du christianisme. C’est en substance ce qu’affirme le Pr Jacques Besson, chef du Service de psychiatrie communautaire du CHUV qui est l’invité de la Faculté de théologie le 3 avril pour une conférence publique sur « La mystique au risque de la psychiatrie ».
« L’expérience religieuse fait partie de la vie normale », rassure d’emblée le docteur qui se déclare croyant. Le délire spirituel existe aussi, mais la recherche moderne dispose d’outils pour le repérer. « L’expérience mystique – une personne vit une expérience religieuse assez intense – n’est pas un problème pour le psychiatre. C’est le trouble mental qui l’est. »
La médecine définit alors des critères, valables d’un coin à l’autre du globe, pour distinguer ce qui est normal de ce qui est pathologique. La clé de lecture? « Il faut distinguer l’expérience qui enrichit le sujet, lui apporte une santé mentale, l’apaise dans ses relations avec autrui, de celle qui appauvrit sa santé mentale, le fait souffrir et l’isole des autres. »
C’est donc simplement l’effet positif ou négatif qui différencie une expérience mystique saine d’un trouble psychotique, d’un délire spirituel. « On reconnaît l’arbre à ses fruits », sourit le chef du service psychiatrique.
Cerveau touché
La psychiatrie est confrontée au religieux avec des maladies qui touchent le cerveau. C’est le cas de certaines crises d’épilepsie qui entraînent une perte de contact d’avec la réalité : l’épileptique rêve quelque chose de compliqué, qu’il croira sincèrement avoir vécu. La schizophrénie s’accompagne régulièrement de délires mystiques.
Quelques patients atteints de la maladie d’Alzheimer développent une fixation sur le religieux. Les expériences de mort imminente (NDE) – qui viennent « de mécanismes de défense du cerveau dans des situations de souffrance », précise le médecin – sont vécues comme spirituelles. Enfin, certaines drogues produisent des hallucinations.
« Tous ces phénomènes se passent dans les régions sous-corticales du cerveau, lieu des émotions, explique le médecin. Ils apparaissent comme une expérience émotionnelle. Mais comme ils touchent des zones inférieures à la conscience, le sujet a de la peine à savoir d’où cela vient. »
En s’intéressant aux états de conscience modifiée, la psychiatrie flirte avec le spirituel. « Ici, psychiatrie et théologie ont un champ commun », constate le médecin qui en tire les conclusions : « A l’avenir, la recherche aura intérêt à s’intéresser au religieux, à apprendre des théologiens, dans une optique de santé communautaire. Car les psychiatres, souvent agnostiques, sont peu informés. »
Or, des études montrent que les approches spirituelles sont efficaces notamment dans les addictions. Des outils se développent d’ailleurs pour aborder ces thèmes avec le patient.
Photo Kaleidoscope Wikipédia
Vie mystique ou délire ?
Le Pr Besson souligne quelques critères pour différencier une expérience mystique normale d’un délire pathologique.
Les hallucinations : Dans un état mystique non pathologique, cela arrive. Mais il s’agit de visions agréables, qui rendent heureux. Dans une psychose, les hallucinations sont souvent auditives et accusatrices.
Le rôle personnel : Le mystique se considère comme un véhicule humble d’un pouvoir supérieur. Le psychotique est convaincu de sa grandeur personnelle et de son omnipotence.
L’émotion : Un état mystique conduit à un bien-être profond, qui peut aller jusqu’à l’extase, tandis que la psychose laisse dans un état de terreur, ou au mieux d’indifférence.
La durée : L’expérience mystique est un épisode passager, qu’on peut rechercher, et dont on sort pour participer au monde. Le trouble psychotique, moins prédictible, peut durer des mois ou des années et réduit les rapports sociaux.
La compatibilité culturelle : Les mystiques sont reconnus par des gens de leur culture. Les psychotiques sont isolés, rejetés.
A lire pour qui souhaite approfondir le sujet :
La création comme tentative de donner existence à du corps.
AMPHETAMINOMANIE, PSYCHOSE ET CRÉATION LITTÉRAIRE. A propos de deux romans de Philip Kindred Dick. Brigitte RIGONI, psychiatre.
Maux d’artistes : Ce que cachent les oeuvres, de Sebastian Dieguez
Spiritualité et structuration identitaire, par Véronique DONARD
Le Livre Rouge. Liber Novus, materia prima, de C.G. Jung.
Sigmund Freud, Le Président Schreber
Daniel Paul Schreber, Mémoires d’un névropathe
Paranoïa : le Président Schreber
anti
Absolument passionnant ! La différence de nature des visions en fonction de l’effet qu’elles procurent est extrêmement intéressante.
Jacques Guerrier est une personne émouvante et fascinante à bien des points de vue. Il fait clairement la distinction entre ses visions mystiques et sa pathologie. Cette capacité d’auto-analyse est étonnante, au moins pour moi qui ne suis pas spécialiste des psychotiques. Je recommande à nouveau la lecture de son livre, écrit il me semble avec une grande honnêteté. C’est une occasion rare de voir le monde à travers les yeux de quelqu’un qui n’en a pas du tout la même perception que la plupart d’entre nous.
J’ai très envie de lire ce livre, pourras tu m’en réserver un ?
Oui, c’est un sujet qui est fort intéressant et qui en effet est à la base de nombreuses discussions.
J’en commande un dédicacé.
Hé bien ! Merci ! Votre enthousiasme fait chaud au cœur. Je prends bonne note de vos commandes et en informerai qui de droit.
anti
Tu as raison, écrire sur l’exemplaire « BAT », c’est comme un sacrilège…
Je préfère les sortilèges.
Bonne chance à ce nouveau-né des Editions du Puits de Roulle et à M. Guerrier.
« Tu as raison, écrire sur l’exemplaire « BAT », c’est comme un sacrilège…
Je préfère les sortilèges. »
🙂 eMmA..
Idaime Kathy. un dédicacé, c’est possible? mais je crois queje demanderai la dédicace après l’avoir lu et en avoir parlé avec l’auteur.. si c’est possible?
Longue et belle vie aux Editions du Puits de Roulle!
Qu’est-ce que le « délire » ? … Quelle est sa fonction ? … Vie mystique ou délire ? voila des questions que je me suis souvent posées pendant les 35 années passées près de personnes souffrants de troubles mentaux plus ou moins graves … Dire que l’on peut distinguer l’expérience mystique du délire parce que la première apporterait des choses bénéfiques et le second induirait la souffrance et parfois la déchéance, est vrai seulement en partie … j’ai vécu professionnellement près de personnes délirantes qui ne souffrait pas de ce qui leur arrivait (autant que l’on puisse en juger). Seulement … le retrait, la désocialisation, les propos apparemment incohérents, étaient insupportables aux yeux du corps médical et de l’institution psychiatrique … de là à dire qu’il s’agissait de « mystiques » … Qui peut le savoir !
Ce livre promet d’être intéressant anti, bravo pour ton travail d’édition !
Amitiés à tous,
Antiochus
Bonjour,
Les « délires » sont aussi autant d' »écueils » qui jalonnent toute quête spirituelle isolée des prévenances d’un guide avisé, dont toutes les traditions s’accordent à souligner l’importance pour cette même raison… Or certains parcours de vie psychotiques sont d’authentiques quêtes spirituelles qui ne pèchent que par leur « informalité », leur trop grande »essentialité », au seul profit du Fond, au mépris de la Forme. Mais elles sont bien « spirituelles » en ce sens qu’elles sont d’authentiques quêtes d’Absolu et/ou de Vérité.