BANGKOK, 17 septembre 2010 (IRIN) – Tandis que le réchauffement climatique entraîne la fonte des glaciers des plus hauts sommets du monde, on note une augmentation du risque de voir les lacs glaciaires du Népal déborder des digues naturelles qui les contiennent – mettant ainsi en danger la vie des dizaines de milliers d’habitants des communautés situées en aval, selon des experts.
Les autorités népalaises ont identifié quelque 20 lacs « prioritaires » susceptibles de connaître une débâcle glaciaire et utilisent diverses méthodes pour réduire le niveau d’eau de certains de ces lacs.
« Comme le changement climatique entraîne une fonte rapide des glaciers, la taille des lacs glaciaires augmente à une vitesse telle que le risque de catastrophe s’accroît dans toute la chaîne de l’Himalaya », a dit Pradeep Mool, du Centre international pour le développement intégré des zones de montagne (ICIMOD), une organisation basée à Katmandou et financée par huit pays réalisant des études sur le changement climatique et les écosystèmes montagnards.
« Les débâcles sont brutales, elles charrient d’énormes rochers ; elles peuvent emporter des roches encaissantes et détruire les berges des rivières. L’impact destructif est très, très élevé », a dit M. Mool à IRIN par téléphone depuis Katmandou.
Les débâcles surviennent lorsque les digues naturelles constituées de glace ou de pierre qui contiennent les lacs glaciaires s’effondrent parce que la taille du lac a augmenté rapidement ou que ses parois ont été démolies suite à des tremblements de terre ou des avalanches. Les inondations qui s’ensuivent peuvent faire augmenter de près de 35 mètres le niveau des rivières situées en aval, et celles-ci détruisent tout sur leur passage sur une distance pouvant aller jusqu’à 100 kilomètres en seulement huit heures, a-t-il ajouté.
Selon un rapport de l’ICIMOD publié en mai, le Népal enregistre plus de mille tremblements de terre par an, compte 2 323 lacs glaciaires et est particulièrement vulnérables aux débâcles glaciaires.
« Étant donnée la multitude des paramètres qui peuvent entraîner une débâcle, un pays comme le Népal, qui se trouve en plein cœur d’une zone sismique, est très exposé », a dit M. Mool.
Les autorités népalaises se sont rendues compte des dommages potentiels que les débâcles peuvent causer en août 1985, lorsque le lac glaciaire Dig Tsho a débordé, détruisant une centrale hydroélectrique, 30 maisons, 14 ponts et des terres agricoles s’étendant sur 42 kilomètres dans la vallée de la Bhote Koshi.
Les débâcles glaciaires se produisent partout dans le monde
Les débâcles sont survenues dans les montagnes de haute altitude du monde entier, entraînant des dégâts de plusieurs millions de dollars dans les infrastructures, les villages et les fermes, et causant des décès. En 1941, une débâcle suivie d’une inondation a causé la mort de 4 500 personnes dans la ville de Huaraz, au Pérou. En 1968, une débâcle a déversé 400 000 mètres cubes de débris dans les Alpes suisses, provoquant de sérieux dégâts dans le village de Saas-Balen.
Le rapport de l’ICIMOD a indiqué qu’un inventaire standardisé des lacs glaciaires était en préparation dans la région himalayenne de l’Hindou Koush et allait permettre d’évaluer les risques de débâcles.
La région himalayenne de l’Hindou Koush, qui couvre huit pays, de l’Afghanistan aux frontières sud-ouest de la Chine, compte près de 8800 lacs glaciaires, parmi lesquels 203 – au Bhoutan, en Chine, en Inde, au Népal et au Pakistan – sont considérés comme potentiellement dangereux par les experts.
Les glaciers reculent de 60 à 75 mètres par an en fondant
D’après le Département népalais d’hydrologie et de météorologie (DHM), les températures ont augmenté d’environ 0,04 degrés Celsius par an au cours des 50 dernières années dans l’Himalaya népalais (soit 2 degrés en tout), provoquant la retraite des glaciers de 60 mètres par an, la création de nouveaux lacs et leur gonflement.
« L’imagerie satellite du bassin de l’Himalaya montre que la taille de certains lacs augmente très rapidement », a dit Vijaya Prasad Singh, directeur adjoint du PNUD au Népal.
Le lac Imja Tsho, qui n’existait pas encore en 1960, constitue un exemple remarquable. Alimenté par le glacier Imja, qui perd 74 mètres chaque année, le lac, situé dans la région de l’Everest, couvre désormais près d’un kilomètre carré, a indiqué l’ICIMOD.
Mesures d’atténuation
Depuis la débâcle du lac du glacier Dig Tsho en 1985, le gouvernement népalais, en collaboration avec la Banque mondiale, le PNUD, l’ICIMOD et des ONG locales, tente de contrer et de réduire les risques, mais aussi de préparer et d’informer les communautés qui vivent dans les vallées situées en aval du lac.
En 2000, le DHM et l’ICIMOD ont construit un canal d’écoulement afin d’évacuer l’eau du lac et d’abaisser le niveau de l’eau du Tsho Rolpa, un des trois lacs de « haute priorité » du Népal, situé en amont des communautés de la vallée – où vivent environ 67 000 villageois.
« Le canal a permis de stabiliser le niveau du Tsho Rolpa. Nous surveillons les autres lacs glaciaires, mais en ce moment nous ne pouvons pas faire grand-chose de plus », a dit Om Ratna Bajrachary, hydrologue divisionnaire au DHM.
Outre la construction de voies d’écoulement, d’autres méthodes sont utilisées, notamment l’ouverture de brèches contrôlées dans la digue, le pompage ou le siphonnage de l’eau du lac, ou encore le creusement de tunnels à travers ou sous la barrière, a indiqué l’ICIMOD.
Le DHM a également mis en place un réseau d’alerte précoce équipé de détecteurs et de sirènes installés dans 19 villages situés en aval du Tsho Rolpa, mais M. Bajrachary a dit que le système n’avait pas encore été activé en raison d’un manque de ressources.
Pendant ce temps, dans deux districts vulnérables, le PNUD a formé plus de cent personnes – notamment des responsables du gouvernement et des personnes travaillant dans des organisations associatives – aux techniques de recherche, de secours et de premiers soins, a dit Deepak KC, responsable de projet auprès du Bureau de la prévention des crises et du relèvement du PNUD.
Source : Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (IRIN)
Photos :
1- La digue naturelle du lac glaciaire de Dig Tsho a été touchée par une avalanche de glace en 1985. Le passage de la débâcle qui en a résulté est encore visible de nos jours (ICIMOD)
2- Gokyo au Nepal (Mbollino)
3- Avec ses 35,8 millions de mètres cube d’eau qui menacent de déborder sur la vallée de Khumbu, l’Imja, situé à 5010 mètres d’altitude, est le lac le plus dangereux du Népal (Aude Raux / Guillaume Collanges / Argos collective)