Ce matin sur France-Info, Marie Jégo, envoyée spéciale du journal Le Monde au Kirghizistan rapportait son témoignage affligeant sur le génocide qui a commencé à se produire au Kirghizistan dans l’indifférence la plus totale de la communauté internationale.
Ce qui n’est vraisemblablement qu’une première vague de massacre ethnique s’est déroulé loin des radios et des caméras, entre le 10 et le 15 juin, au sud du pays. Des Kirghizes solidement armés et appuyés par des blindés ont systématiquement détruit et brûlé les maisons de la minorité ouzbèke des villes de Och et Djelalabad. Ils ont tué 2 000 personnes et fait fuir 400 000 autres vers l’Ouzbékistan voisin, après avoir déchiré les passeports de tous ceux qu’ils ont pu approcher. Les deux populations – kirghize et ouzbèke – sont pourtant musulmanes et turcophones. Aucun différent religieux ou culturel ne devrait les dresser l’une contre l’autre. Seulement le bon vieux racisme, attisé par Kourmanbek Bakiev, l’ex président autocrate au pouvoir, renversé il y a quelques semaines.
Bakiev a fui vers la Biélorussie, emportant avec lui la majeure partie des fonds qu’il a détournés depuis des années. Il est l’organisateur vraisemblable et aussi le financier des pogroms qui se sont déroulés sans que l’armée, la police ou les autorités locales ne lèvent le petit doigt pour s’interposer.
Aucune réaction officielle du pouvoir kirghize, pour eux il ne s’est rien passé. Aucune réaction non plus de l’ONU. Aucune attention réelle des média, de façon générale. Et aucun intérêt de la Russie ou des États-Unis, à part cette image obscène, vu les circonstances, d’Obama en train de partager des hamburgers avec Medvedev hier pour célébrer la détente entre les deux grandes puissances, en plaisantant sur le remplacement des téléphones rouges par Twitter et en se félicitant de la résolution de différends commerciaux.
Le Kirghizistan ? Non, ils n’en ont pas parlé. Il faut dire que ce pays ne dispose d’aucune ressource naturelle intéressante, alors que ses voisins regorgent de pétrole. Certes, il y a sur son sol des bases russes et américaines mais elles n’ont fait l’objet d’aucune attaque. Alors, tout le monde s’en fout.
Pour le moment, c’est le répit, grâce à des humanitaires tels que la Croix Rouge. Le pire est à venir.
A lire sur le site du Monde un éditorial très complet sur le sujet : Au Kirghizistan, un crime de masse à huis clos
Photo AFP
Et les medias ne disent rien ! rien ne filtre ! c’est ahurissant.
Quelques medias en parlent (sinon je ne serais pas au courant) mais ils sont effectivement très peu. Et surtout, les politiques s’en désintéressent (que ce soit au niveau de la communauté internationale, de l’ONU, etc.)
« Et les medias ne disent rien ! rien ne filtre ! c’est ahurissant. »
Je pense qu’il y a information mais pas relai. Ce sont les choix éditoriaux que je trouve ahurissants mais malheureusement pas étonnant à l’heure du « qu’est-ce qui va faire vendre le plus ? »
Merci Anna de contribuer à la circulation de l’info et puissent ces horreurs prendre fin rapidement.
anti
Tout à fait d’accord avec Anti : les journaux pensent que ça n’intéresse pas grand monde, donc ne le relaient pas.
Pour les grandes puissances, puisqu’il n’y a pas d’enjeu économique ou stratégique, c’est « silence on tue », avec leur cynisme habituel.
Les blindés ne sont pas ceux de l’armée kirghize officielle qui ne s’est pas montrée dans la région. Ils sont russes, probablement achetés par Bakiev et « offert » aux Kirghizes qui se sont « spontanément » soulevés contre la population d’origine ouzbèke – en fait des milices bien entraînées qui procèdent aux massacres de façon systématique.
Quant à l’ONU, on se demande le pourquoi de son apathie. Ils regardent tous le foot à la télé avant de partir en vacances?
Chapeau à Marie Jégo, l’une des très rares journalistes à être allée là-bas et à en avoir rapporté son témoignage, repris par Le Monde mais aussi par France-Info qui l’a invitée à venir en parler ce matin sur son antenne.