Le mois de juin 2008 avait été marquant pour notre vie commune. Anti s’était cassée l’omoplate, sa voisine d’en face avait eu un ictus amnésique le lendemain, sa voiture était tombée en panne deux jours plus tôt à une centaine de bornes de Paris chez Sapo et elle avait plusieurs dizaines de cartons à finir pour son déménagement vers Nîmes trois semaines plus tard (oui, fermer des cartons avec les pieds, c’est possible, en tout cas pour Anti). Et, plus noir que tout, elle apprenait que Michel, le père de ses enfants, était atteint d’un cancer incurable (qui l’a emporté fin août).

Hier, Juin a encore frappé.

Depuis deux jours, Anti se demandait à tout bout de champ où était Santiago. Elle n’était pas plus rassurée en le retrouvant dans l’une ou l’autre de ses planques. Elle ne savait pas expliquer son inquiétude. Depuis que je la connais, je l’ai souvent vue percevoir certains échos ténus du futur avant qu’ils ne deviennent présents. Cette fois encore, son pressentiment s’est vérifié. En début d’après-midi, elle a vu Santiago allongé dans la chambre de Dorian et incapable de marcher. De toute évidence, il avait une patte arrière cassée et l’autre déboîtée, sans parler de petites éraflures diverses. Je venais d’arriver au boulot et j’ai senti dès le premier mot qu’elle a prononcé au téléphone (mon prénom) qu’il s’était passé quelque chose de sérieux.

Sa voiture était chez le garagiste. Ce dernier nous avait dit la veille qu’il valait mieux ne pas la réparer tellement il y avait à faire et tant elle était vétuste. Il nous a juste proposé de procéder dans la matinée un bricolage de fortune (enlever carrément le bout du pot d’échappement qui trainait par terre) pour qu’Anti puisse l’utiliser jusqu’à sa dernière limite, c’est à dire la date du contrôle technique vers la mi-août. Ensuite, il n’y aurait plus qu’à la mettre à la casse.

J’ai donc rejoint illico la maison pour faire l’ambulance.

Première étape : le véto du quartier. Il a fait une radio qui a confirmé une fracture près du genou à droite et une luxation à gauche, conséquence quasi certaine d’un choc avec une voiture. Santiago était très calme, un vrai maître zen. Il fallait le faire opérer au plus vite. La seule clinique vétérinaire de la région spécialisée en orthopédie se trouve à Beaucaire. Il était 15h20 et à 16h, Anti devait aller voir un chirurgien avec Dorian pour choisir la date de son opération de l’appendicite, diagnostiquée quelques jours plus tôt par notre médecin de famille.

Retour à la maison pour y prendre Dorian, retour au centre-ville pour le déposer avec Anti chez le chirurgien – ensuite, ils sont allés à pied au garage reprendre la voiture d’Anti.

Pendant ce temps, je partais à Beaucaire avec Santiago. J’y étais vers 16h45, je n’ai poireauté qu’une trentaine de minutes, le véto était un jeune mec très sympa, avec des béquilles parce qu’il venait de se casser la jambe (ça arrive aussi aux humains). Santiago va être opéré dans la matinée. Il ne devrait avoir aucune séquelle. J’irai le chercher ce soir. Il aura les deux pattes arrière immobilisées pendant quatre ou cinq jours, puis juste celle fracturée pendant une dizaine de jours de plus. Je sens qu’il va avoir des suppléments de câlins.

A l’heure où je partirai pour Beaucaire, Dorian entrera à l’hôpital pour se faire retirer son appendice le jour d’après.

Hier soir, on s’est fait une bonne bière et on a choisi d’en rire, comme toujours ou presque. J’avais prévu de monter sur le toit pour vérifier mon antenne hertzienne qui déconne mais, allez savoir pourquoi, je ne le sentais plus trop, là. Je vais plutôt appeler un antenniste. Faut savoir s’arrêter.

La Lune, qui ne manque pas d’humour, s’est déguisée en boule de feu en se plaçant au bout d’un nuage. Même pas peur.

Très belle journée à vous