Monsanto a proposé il y a quelques semaines d’offrir 476 tonnes de semences à Haïti. Il s’agit, on s’en doute, de graines dites « hybrides ». Autrement dit, elles sont impossibles à resemer et mettent les paysans dans l’obligation d’en racheter tous les ans. Une pure pratique de dealer : on offre la première dose et ensuite, quand le client est en dépendance, on lui vend les autres au prix fort et à vie.
Ce don pseudo-humanitaire est soutenu par le programme d’aide au développement américain Winner, qui vise à reconstruire l’infrastructure agricole en Haïti.
La bonne nouvelle ? Les paysans haïtiens ne sont pas stupides. La proposition de Monsanto a déclenché une vague d’indignation, suite à un article du curé Jean-Yves Urfié qui dénonce le « cadeau empoisonné » de Monsanto.
Le ministre de l’Agriculture Joana Gué et Monsanto ont cependant démenti qu’il s’agissait de graines OGM. Mais Jean-Yves Urfié ne désarme pas et prédit la « fin de l’indépendance des agriculteurs » haïtiens :
« En Haïti, il n’y aura bientôt plus que des semences Monsanto. […] La multinationale fait toute une publicité autour de ce don de semences qui serait un cadeau généreux. Mais les agriculteurs haïtiens qui voudront disposer du droit de resemer pour leurs récoltes futures devront payer des royalties à Monsanto. »
Beverly Bell, de l’association Other Worlds, qui travaille à la reconstruction d’un « Haïti plus juste », explique à Rue89 les enjeux cachés de ce don :
« Le don de Monsanto n’est pas destiné à aider les Haïtiens, c’est un cheval de Troie de la firme dans le but de contrôler le futur agricole d’Haiti. Après le tremblement de terre, 500 000 personnes ont été déplacées vers la campagne. Des appels aux dons ont été faits pour combler le manque de nourriture. Il n’est pas surprenant que Monsanto ait profité de l’espace libre pour exploiter les besoins des Haïtiens et exporter ses graines. »
En effet, les graines de maïs de Monsanto ne pouvant être resemées, les agriculteurs devront en racheter à Monsanto les années suivantes.
Toujours dans le même article de Rue89, Jean-Pierre Ricot explique qu’il s’agit d’une logique de marché inadéquate avec la culture paysanne d’Haïti. Ricot est économiste à la PAPDA (Plateforme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif) :
« Les paysans haïtiens ont traditionnellement la capacité de produire et de reproduire leur propre semence, organique et créole, à destination de leur famille et du marché local. Monsanto veut intégrer les agriculteurs sur un marché qu’ils ne contrôlent pas en matière de qualité de semence et de prix. Les paysans devront racheter les graines à replanter, les pesticides et les engrais de Monsanto [nécessaires à la productivité de ces graines], alors qu’ils n’ont pas de ressources. Monsanto veut faire du paysan haïtien un assisté plutôt qu’un producteur. »
Jean-Baptiste Chavannes, leader du Mouvement paysan papaye (MPP) a qualifié le don de Monsanto de « nouveau tremblement de terre », enjoignant les agriculteurs à brûler toutes les graines de maïs provenant du ministère de l’Agriculture. Une marche de protestation est prévue pour le 4 juin.
Pour Beverly Bell, il y a un risque que ces graines hybrides laissent place à des OGM les années suivantes, comme cela a été le cas dans d’autre pays : « Les paysans seront obligés de racheter des graines même si ce sont des OGM. »
L’inquiétude est d’autant plus justifiée que Monsanto a souvent eu recours à ce genre de pratiques partout dans le monde, comme le montre le documentaire « Le monde selon Monsanto ».
En outre, les Haïtiens n’ont pas manqué de remarquer que le directeur général du projet Winner n’est autre que Jean-Robert Estimé, ancien ministre des Affaires étrangères pendant 29 ans sous la dictature des Duvalier.
Les éléments de cette note proviennent de l’article de Jérôme Brisson paru dans Rue89 : Le futur agricole d’Haïti selon l’américain Monsanto
L’affiche Monsantoland est tirée de l’article La philanthropie de Monsanto: comment défendre les pauvres ? (Mecanopolis)
Excellent ! Vraiment excellent ! Enfin des réactions avant une catastrophe ! J’suis trop contente !
anti, qui va faire de beaux rêves 😉