Alors que l’une des pires catastrophes écologiques de l’Histoire de l’humanité se produit actuellement au large de la Floride et qu’un nouveau rapport de l’ONU annonce la disparition possible de tous les poissons d’ici 2050 si la surpêche se poursuit au même rythme qu’aujourd’hui, je viens de retomber sur ce texte superbe que l’astronome Carl Sagan a écrit il y a déjà vingt ans, pour décrire cette photo de la Terre prise par la sonde Voyager 1 depuis les confins de notre minuscule système solaire.
Regardez bien ce point. C’est ici. C’est chez nous. C’est nous.
Sur ce point, tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les humains qui ont jamais existé.
L’agrégation de nos joies et de nos souffrances, les milliers de religions, d’idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs, tous les héros, tous les lâches, tous les créateurs et tous les destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les couples amoureux, toutes les mères et tous les pères, les enfants plein d’espoir, les inventeurs et les explorateurs, les moralistes, tous les politiciens corrompus, toutes les « superstars », tous les « chefs suprêmes », tous les saints et tous les pêcheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici – sur un fragment de poussière suspendu dans un rayon de soleil.
La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. Pensez à ces fleuves de sang répandus par ces généraux et ces empereurs pour devenir, dans la gloire et le triomphe, les maîtres éphémères d’une fraction de ce point. Pensez aux cruautés sans fin infligées par les habitants d’un bout de ce pixel sur les habitants difficilement discernables d’un autre bout du même pixel. Pensez combien leurs incompréhensions ont été fréquentes, avec quelle détermination ils se sont entretués et combien leur haine était fervente.
Nos postures, notre auto-importance imaginée, l’illusion de nous croire dans une position privilégiée de l’Univers sont mises au défi par ce point de lumière pâle. Notre planète est un grain de poussière solitaire dans l’immense obscurité cosmique qui l’enveloppe. Dans les ténèbres de toute cette vaste étendue, il n’y a pas le moindre signe que de l’aide viendra d’ailleurs pour nous sauver de nous-mêmes.
La Terre est le seul monde actuellement connu qui abrite la vie. Il n’y a nulle part ailleurs, en tout cas dans un futur proche, où notre espèce pourrait émigrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que nous le voulions ou pas, pour le moment la Terre est là où nous demeurons.
On a dit que l’astronomie offre une expérience d’humilité qui forge le caractère. Il n’y a peut-être pas de meilleure démonstration de la folie de la vanité humaine que cette image distante de notre monde minuscule. À mes yeux, elle met en évidence notre responsabilité à nous conduire plus humainement les uns avec les autres, et à préserver et chérir ce point bleu pâle, le seul foyer que nous ayons jamais connu.
Carl Sagan
Traduction AG
Ça doit faire bien sept fois que je relis ce texte… Il est d’une splendeur, d’une profondeur, qui se passe de commentaire… tellement en écho avec ces mots des kogis que je relisais hier ( http://www.annagaloreleblog.com/archive/2010/02/03/la-memoire-despossibles.html#comments ) et avec les paroles du Dalaï-Lama que je vois chaque matin au réveil : http://www.annagaloreleblog.com/archive/2009/09/21/la-precieuse-vie-humaine.html
anti
J’ai beaucoup pensé aussi à ces mots du Dalaï-Lama quand j’ai découvert ce texte. Ils se complètent parfaitement.
Après avoir lu cette réflexion, même dire » je redescends sur terre » parait prétentieux.
Petit point si précieux dans lequel il entre tant de force et de fragilité, émouvant et terrifiant à la fois. Souhaitons-nous tout l’amour, le respect et l’humilité nécessaires pour respecter la vie.
Merci Anna pour cette belle note qui nous ramène à l’essentiel quand parfois nous nous éparpillons.