Comme je l’explique dans l’article Les Éditions du Puits de Roulle : Quand le lien se fait livre l’auto-édition représente une réelle alternative aux difficultés à trouver un éditeur digne de ce nom (comprendre : qui ne soit pas un éditeur à compte d’auteur). Cette méthode qui consiste à s’éditer soi-même existe depuis longtemps et se développe de plus en plus. Puisque je propose aux auteurs de les aider à réaliser leur propre ouvrage avec Antipode – Les Editions du Puits de Roulle, la branche des Éditions du Puits de Roulle destinée aux particuliers, je vous invite à suivre l’actualité de l’auto-édition un peu partout en France et dans les pays francophones et/ou à connaître un peu mieux ces auteurs qui ont choisi l’auto-édition, ce que cette expérience leur a apporté etc. D’ailleurs, tous vos témoignages seront les bienvenus dans cette rubrique si vous le souhaitez !
Pour commencer, honneur à la Bretagne et surtout à l’une de ses habitantes, Françoise Buisson, le dinosaure de l’auto-édition.
Françoise Buisson. Plongée dans la marmite de l’édition
Un concours de recettes a transformé Françoise Buisson, mère de famille concarnoise, en auto-éditrice de livres de cuisine. Le dernier d’une série de près de vingt ouvrages est consacré aux coquillages.
« Le salon du livre de Paris a été fatiguant, c’est toujours très bruyant, mais j’étais très bien placée sur le stand de la Bretagne, juste en face de l’espace d’un grand éditeur parisien qui avait invité Salman Rushdie. Sa file d’attente pour des dédicaces s’étirait sur plusieurs dizaines de mètres », raconte Françoise Buisson, une Concarnoise née à Brest qui est tombée, un jour, dans la marmite de l’édition.
Une recette boudée
Depuis, elle multiplie sa participation à des salons du livre partout en France et à des séances de dédicaces dans les librairies bretonnes, à la belle saison. « Je suis le dinosaure de l’auto-édition », s’amuse-t-elle. Tout ça n’aurait sûrement jamais existé sans un petit coup de pouce du destin qui a incité cette mère de famille à sortir de sa cuisine pour faire partager son amour des plats de poisson.
« Sans une recette boudée par mon mari et mes enfants, je n’aurais sûrement pas commencé à écrire des livres de cuisine. J’ai été piquée au vif quand ils m’ont dit que ce n’était pas bon et qu’ils voulaient du pâté Hénaff et une boîte de cassoulet. Le jour même, je suis tombée sur l’annonce, dans le Télégramme, d’un concours de recettes de poisson. Énervée par mon revers, j’ai aussitôt pris la plume pour proposer ma recette, cuisinée avec des concombres, qui n’avaient pas plu à mes convives ». Une fois son coup de sang retombé, Françoise Buisson oublie complètement sa candidature. Un coup de téléphone du Télégramme lui apprenant sa sélection la plonge dans une aventure culinaire inattendue. « Je me suis retrouvée à cuisiner sur un podium avec des casseroles immenses, entourée des autres concurrentes, sur un salon des produits de la mer, à Douarnenez. Et j’ai gagné ! ».
25.000 à 30.000 livres
Son plat obtient les faveurs d’un jury de cuistots professionnels reconnus. Et de fil en aiguille, l’idée d’un premier livre de cuisine se fait jour. « J’ai commencé par 130 recettes simples de poissons et comme je ne trouvais pas d’éditeur, je me suis lancée, sans rien y connaître, en allant voir un imprimeur ».
Au milieu des années 80, la démarche du compte d’auteur n’est pas encore si courante. L’ouvrage imaginé est luxueux, rempli de photos.
« Je voulais éditer ce livre en hommage à ma mère, qui m’a transmis ses recettes, mais le montant demandé dépassait mes capacités, j’ai revu mon projet plus modestement ». En trois semaines, un millier d’exemplaires sont vendus par souscription. Après ce premier livre, d’autres suivent, près de vingt en tout, à des prix abordables, entre 5 et 17 €. « En 24 ans, j’ai dû vendre 25.000 à 30.000 livres».
Et cela continue avec son dernier ouvrage, consacré aux coquillages, dans la série « 50 recettes pour…», illustré par son complice, le dessinateur Christophe Lazé. « Je trouve encore le temps de cuisiner et d’imaginer de nouvelles recettes, souvent par hasard, en fonction de ce que j’ai dans mes placards. J’ai ainsi conçu la Tatin de coquilles Saint-Jacques à la moutarde ».
Un article de Catherine Le Guen pour le Télégramme, 9 avril 2010.
A découvrir, les livres de Françoise Buisson
Ce qu’il ressort de ce témoignage
Ce que je pense de cette histoire, c’est tout d’abord : Bravo ! Françoise Buisson, comme beaucoup d’auteurs a été confrontée aux refus de la part des éditeurs mais elle a su rebondir. Non seulement elle n’a pas baissé les bras mais elle a pris les choses en mains en décidant de faire imprimer son livre elle-même. D’ailleurs, souvenez-vous, c’est ce même fichu caractère de bretonne que j’adore qui l’a amenée à écrire sa première recette…
Ce que je retiens aussi, c’est sa capacité à voir les choses en face et partant, à prendre les bonnes décisions pour aller de l’avant. On sent que Françoise s’est posée les bonnes questions. Mon projet est trop luxueux ? Il va demander un budget de départ colossale ? Plutôt que de tout laisser tomber ou, pire, de continuer dans cette voix qui aurait eu pour conséquence de vouloir vendre (sans succès) un livre onéreux, elle revoit son projet plus modestement et obtient tout de même un beau résultat, dans son budget. Au final elle aura un livre qu’elle n’aura pas honte de présenter (pas un travail au rabais de mauvaise qualité non plus), qu’elle pourra vendre à un prix raisonnable, donc qui trouvera des acheteurs et, cerise sur le gâteau : elle rencontre le succès, certainement par son contenu qui est plus qu’alléchant et aussi par le fait que les livres du domaine « Vie pratique » sont ceux qui se vendent le plus en France.
Notez quand même que son succès ne tombe pas du ciel. Outre le travail avant impression, Françoise Buisson se démène pour faire connaître ses livres. On le voit dans l’article, elle est allée participer au salon du livre, elle a un site internet agréable à parcourir, elle fait parler d’elle dans la presse locale, elle fait régulièrement des séances de dédicaces et s’est inscrite à pas moins de près d’une dizaine de salons pour l’année 2010.
En espérant que cette histoire vous ait plu. A la prochaine !
anti
Quand on pense qu’elle doit son succès au fait que son mari et ses enfants n’aimaient pas sa cuisine…
Sa « Tatin de coquilles Saint-Jacques à la moutarde » doit être une merveille…
Superbe histoire, tout à fait exemplaire ! Tout y est, depuis la foi qu’a eu l’auteur dans ce qu’elle écrivait (quoi qu’en pensent les éditeurs) jusqu’au passage à l’acte, c’est à dire la conception et la réalisation de son livre (ce qui n’a rien d’évident pour la plupart des auteurs amateurs) et ensuite, comme tu le soulignes très bien, sa détermination à faire connaître ses bouquins par tous les moyens.
Bravo !