Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage
Quel pouvait bien être ce fameux fromage qui a traversé toute notre enfance ? C’est la question que s’est posé Henri Mellier depuis une quinzaine d’années.
Pour lui, aucun doute, il s’agit d’un brie de Melun. Voilà qui est précis. Pourquoi celui-là et pas un autre ? « A l’époque, le brie de Melun, qui a plus de mille ans, existait déjà, contrairement au camembert et à beaucoup d’autres fromages plus récents ».
Ensuite, La Fontaine était originaire de Château-Thierry, au nord de la Seine-et-Marne. C’est lors de ses nombreux séjours au château de Vaux-le-Vicomte, à quelques kilomètres de Melun, qu’il a écrit Le corbeau et le renard. Alors, qu’il ait eu en tête un fromage de la région, c’est effectivement probable.
Pourquoi justement le brie de Melun ? Selon Henri Mellier, c’est d’une part parce qu’il était le plus petit (avec 27 cm de diamètre) alors que celui de Meaux, par exemple, aurait eu beaucoup plus de mal à être tenu par un corbeau avec ses 36 cm de diamètre. « Mais surtout », insiste M. Mellier « quand La Fontaine précise « par l’odeur alléché », de quel autre fromage voudriez-vous qu’il s’agisse? ». De fait, les autres fromages du coin auraient été à un stade plus qu’avancé pour produire une odeur forte, alors que le brie de Melun produit justement une odeur bien présente lorsqu’il est à point.
Henri Mellier n’est peut-être pas tout à fait objectif dans son enquête. Il est, en effet, le secrétaire général de la confrérie du brie de Melun.
Au musée La Fontaine de Château-Thierry, la conservatrice Christiane Sinnig-Hass ne conteste pas que La Fontaine « ait pu penser au brie de Melun en écrivant sa fable », mais elle rappelle que « La Fontaine s’est inspiré de Phèdre », fabuliste du Ier siècle de notre ère, lui même inspiré d’Esope, l’inventeur des fables comme genre littéraire sept siècles plus tôt. Et, en ces temps reculés, il n’y avait aucun brie de quelque nature que ce soit. D’ailleurs, dans la fable originale d’Esope, le corbeau tient un bout de viande et dans sa reprise par Phèdre, c’est bien devenu un fromage mais dont il n’évoque pas l’odeur.
Cela dit, La Fontaine, lui, a probablement pensé à ce fromage bien précis quand il en a fait sa version. Même la conservatrice admet que les gravures d’époque montrent un fromage qui pourrait bien être du brie de Melun.
Il ne faudrait quand même pas en faire tout un fromage.
Sources : France-Info et AFP
Illustration : éditions Barbin/Thierry, Paris 1692
Je te le fais en version vaudoise:
L’ami corbeau et l’ami renard
C’t ami Corbeau, sur un arbre ganguillé
Tenait à plein bec une tomme.
C’t ami Renard, le tarin chatouillé
Lui tint ce discours à la gomme:
Hé! salut c’t ami Corbeau,
T’es rude joli, t’es même fin beau!
Crénom de sort, si ta batoille
Vaut ce plumage qui pendoille,
T’es le tofin des forêts du Jorat.
A ces mots, le Corbeau qui trouve ça estra
Ouvre tout grand son four
Et lâche ses dix-heures.
Le renard chippe la tomme et dit:
Pauvre niolu, méfie-toi toujours des lulus
Qu’ont la langue bien pendue.
Cette leçon vaut bien une fondue!
Le Corbeau dépité, conclut:
Ch’us tondu, j’ai perdu, plus jamais je s’rai eu!
Alors brie de Meaux ,de Melun, tomme vaudoise, gruyère, époisses???????????????????? En tout cas cette note est bien savoureuse!
Trop bien la version en vaudois ! A lire avec l’accent, bien sûr !
Anna, le vaudois est encore debout
Anna, quand je vois toute cette érudition, je me mets à la brie.
Mé l’un, mé l’autre !
Le voici aussi en argot et en verlan :
Un pignouf de corbac sur un touffu planqué
S’enfilait par la gueule un coulant baraqué
Un p’tit mec de renard, alléché par l’odeur du from’ton
Qui s’mectait a cent lieues à la ronde
Lui tint a peu près cette jactance:
«Eh, du Corbac, si tu jactes aussi bien qu’t’es nippé,
T’es l’mecton à la r’tourne de tous les pt’its mecs du quartier!»
Le corbac qu’était pas mariolle
Lui fila l’from’ton a travers la fiolle.
Moralité: méfiez-vous des p’tits mecs qui vous en foutent plein l’mourron!
Benoît et Laura Jacquet
LE BAUCOR ET LE NAREU
Daron Baucor sur un brehar chépert
Tenait dans son quebé un magefro.
Daron Nareu par l’odeur kifé
Lui péoch à près peu ce gagelan
«Ah ziva gosse beau, que t’es styli
Sans mitoner, si ta tchache
Se rapporte à ton styli
T’es le plus gosse beau des squatters d’la téci».
A ce barratin Corbac ne se sent plus sep
Et pour se la péter
S’open un big kébé et laisse béton son géman.
Le Nareu le pécho et lanceba «Mon bon Daron,
Fous-toi dans la teuté que tout mac
Vit aux basks du narco qui l’esgourde.
Cette galère vaut bien un magefro sans quedé.
Le Baucor téhon et faut-cul
Jura sur sa reum qu’on le péta plus.
Oups oublié en route le T de verlant
Bon on me dit que verlan n’a pas d’ orthographe on peut l’écrire avec un T ou sans je le saurai maintenant.
la version argotique la plus connue est de Bernard Gelval
Un pignouf de corbac sur un abri planqué
S’envoyait par la fiole un coulant barraqué.
Un goupil n’ayant eu qu’un cent d’clous pour bectance,
S’en vint lui dégoiser un tantinet jactance :
Salut, dab croasseur ! Lui bonnit-il d’autor.
En disant qu’ t’es l’ plus beau, j’ai pas peur d’avoir tort !
Si tu pousses la gueulante aussi bien qu’t’es nippé,
T’es l’ mecton à la r’dresse des mectons du boicqué ! »
A ces ragots guincheurs qui n’étaient pas mariolles,
Le corbac lui balance le roulant par la fiolle.
» Enlevé, c’est pesé, j’tai baisé, dit l’goupil.
Fais bien gaffe aux p’tits gonzes qui t’la font à l’estoc,
Et t’gazouillent par la couâne des bobards à l’esbroff. »
Sinon par rapport à la taille du fromage, que je pense aussi être du Brie vu que le camembert n’existait pas encore… Il fait des suppositions qui me semblent un peu dirigées vers ce qu’il tente de prouver…
D’abord le fait même que les fables de La Fontaine ne parlent pas de vrais animaux, mais de personnages réels de son époque caricaturés sous les traits d’animaux… Le corbeau de cette fable pourrait donc très bien tenir un brie de 40cm si ça apportait quelque chose à la fable. De plus toujours sur le corbeau, le grand corbeau qu’on pouvait trouver à cette époque encore en France, et qu’on peut toujours voir à la Tour de Londres par exemple, est assez énorme… Dans les 60-70cm de long avec une grosse tête qui abrite un des plus gros cerveaux chez les oiseaux, et un cou puissant.. c’est pas nos petites corneilles.. Il pourrait facilement tenir en son bec un fromage de large diamètre.
Ensuite il parle de l’odeur mais l’animal choisi est justement un renard qui sentirait même l’odeur d’un Caprice des Dieux insipide à des centaines de mètres…
Bref je crois que ce bon monsieur essaie surtout de se faire de la pub o.O
Trop génial toutes ces variantes !!!
Mdrrr !
Petite précision… Le « 10 heures » suisse dont parle Valentine, c’était le « 4 heures » des enfants français, à une époque où les barres chocolatées n’avaient pas encore été inventées… En Suisse, les cours commencent tôt et se terminent souvent à 13 heures.
Et une autre !
Maître Corbeau sur un chêne mastard
Tenait un from’ton dans le clapoir.
Maître Renard reniflant qu’au balcon
Quelque sombre zonard débouchait les flacons
Lui dit: « Salut Corbac, c’est vous que je cherchais.
A côté du costard que vous portez, mon cher,
La robe du soir du Paon est une serpillière.
De plus, quand vous chantez, il paraîtrait sans charre
Que les merles du coin en ont tous des cauchemars. »
A ces mots le Corbeau plus fier que sa crémière,
Ouvrit grand comme un four son piège à ver de terre.
Et entonnant « Rigoletto » il laissa choir son calendo.
Le Renard le lui pique et dit: « Apprends mon gars
Que si tu ne veux point tomber dans la panade
N’esgourde point celui qui te passe la pommade… »
Moralité:
On doit reconnaître en tout cas
Que grâce à Monsieur La Fontaine
Très peu de chanteurs d’opéra
Chantent aujourd’hui la bouche pleine.
anti, rigoletto
Géniales toutes ces versions! J’adooooooore et la dernière est à pas piquer des vers….
Bonjour,
Sauf erreur de ma part, le mot fromage vient du mot Forme, ou moule : l’un des rares mots de la langue française à avoir évolué par inversion de lettres.
De là, le fromage de Lafontaine peut aussi bien désigner la même forme de lait caillé que celle du brie ou du gouda qu’une préparation culinaire moulée dans une forme du genre pâté de viande ou pâté de tête, aussi nommé « fromage » de tête.
Les corbeaux se nourrissent certes de toutes sortes de choses et les renards ont aussi une alimentation assez variée, toutefois, on peut supposer qu’ils auraient une préférence pour fromage à base de viande, plutôt qu’à base de lait.
Mais c ci ne changerait absolument rien à la morale de la fable qui fonctionne aussi bien avec une boîte de caviar qu’avec un téléphone portatif… ce dernier n’étant par ailleurs guère nourrissant, il permet toutefois de faire entendre sa belle voix jusqu’à l’autre bout du bois.
Merci de votre attention.
Le fromage de tête à par ailleurs la vertu de permettre à Lafontaine ( Jean de) de mettre Esope et Phèdre d’accord puisque le premier avait donné un morceau de viande au corbeau et le second, un morceau de fromage (sauf erreur de traduction bien sûr).
Donc… exit le bris de mots et le bris de meule un ? Exit camembert, Cantal entre- deux et vache qui rit ? Adieu pantoufles de vers ?
À voir.