Après avoir laissé les enfants devant des burgers maison et un bon film, nous passions la soirée d’hier chez Kathy, tranquillous, à nous régaler d’une paella succulente quand tout à coup, à 21h26, un appel fait vibrer mon portable.

– Allo, c’est Dorian.
– Oui, il y a un problème ?
– Ta voiture est garée sur un endroit interdit.
– Ma voiture est gar… Ma voiture ? Mais comment tu le sais ?
– Parce que les flics viennent de me le dire.
– Les flics ? Les flics t’ont appelé à la maison ?
– Il faut que tu < bip > < bip > < bip > < bip >
– Dorian ? Dorian ?
– < bip > < bip > < bip >

D’accord. Action.

Je saute dans ma veste à pieds joints tout en expliquant la situation à Anti à Kathy, je file dehors, je cours dans les rues jusqu’à ma voiture et là, effectivement, ça ne ressemble plus du tout à quand on l’a laissée deux heures plus tôt.

Déjà, toute la rue est barrée. Un dinosaure de métal est en train de découper un immeuble en béton avec de grands grincements de dents, juste à quelques centimètres de mon Touran terrifié. En arrivant, on s’était garé tout contre la mâchoire de la bête, en poussant un peu les barrières qui l’entouraient (à peine un peu, disons quatre mètres). On s’était dit : pas de problème, l’engin de chantier ne bougera pas avant demain, ah ah ! Ben que dalle. C’était un chantier de nuit.

J’ai pris le Touran sous le regard compréhensif du chauffeur de l’engin et je l’ai déplacé ailleurs. Avec sa meuleuse géante, il aurait pu me le découper en deux sans même s’en rendre compte.

Au passage, j’ai croisé Anti dans la rue qui était descendue fumer une cloppe. Elle avait justement Dorian au téléphone qui lui a raconté l’épisode précédent, quand les flics l’ont appelé.

– Bonsoir, c’est la police. Nous sommes bien chez Anna Galore ?
(ils ont dit mon vrai nom, hein, c’est juste pour que vous suiviez)
– Oui.
– Est-ce que nous pouvons lui parler ?
– Non. Sont pas là.

Il est comme ça, Dorian. Sec, net, précis.

– Ah. Euh… C’est bien à vous le Touran immatriculé 69 XXX 13 ?
(tant qu’à changer l’immatriculation, je fais de la pub subliminale pour la sortie de mon recueil de nouvelles érotiques)
– Le Touran, on en a un. L’immatriculation, j’en sais rien.

Vous voyez, pas un mot de trop.

– Bon ben faudrait les prévenir de le bouger parce que sinon on devra l’embarquer.
– Je les appelle.
– Bons… < bip > < bip > …oir < bip > < bip >

Dorian, quand il n’a plus rien à dire, il raccroche. Par contre, quand il me parlait et que ça a coupé, c’est parce qu’il venait d’épuiser le forfait du portable de Gwlad, qu’il avait utilisé pour m’appeler.

Je ne sais pas vous mais nous, quand on en a reparlé une fois de retour chez Kathy, on s’est dit que c’était bien la première fois de notre vie que des flics qui tombaient sur notre voiture mal garée préféraient chercher notre téléphone à partir de l’immatriculation pour nous prévenir plutôt que d’appeler directement la fourrière. Et ce n’était même pas la pleine lune. Si ça c’est pas du bon karma… (hein, Sapopahalémieux ?)

Kathy a proposé des infusions pour nous remettre de ce moment d’émotion. Anti a choisi une décoction de feuilles de coca. Pas la boisson, la plante. Celle dont on tire cette poudre toute blanche qu’on sniffe, vous savez, là, et qu’après on peut courir pendant 48 heures sans sentir la fatigue. Kathy a dit que mais non pas du tout c’est très délassant. T’as qu’à croire…

Là, au moment où j’écris ces mots, il est trois heures du mat’ et Anti, elle s’est fait une nouvelle coiffure et elle saute partout d’un bout à l’autre de la maison après avoir fait vingt kilomètres de jogging dans le quartier.

Bon, soyons positifs. J’ai éteint mon portable et le Touran est bien garé devant la maison. Alors, pendant qu’elle fait des abdos, accrochée au plafonnier du séjour, moi, je vais aller dormir un peu.

Très belle journée à tous