On peut voir ces affiches en ville depuis un petit moment, « Permis de croquer : un tour du monde du dessin de presse », une exposition que j’ai très envie d’aller voir.
Photo : Giorgio Forattini (Italie) – Panorama (Milan) – 10 avril 2008 – Au sujet des émeutes meurtrières réprimées par le pouvoir chinois en mars 2008, le Dalai Lama parle de « génocide culturel » commis par la Chine à l’égard de la population tibétaine.
D’aucuns prétendent que les marchands de journaux présentent les quotidiens de telle manière que le dessin de la Une ne puisse être vu qu’une fois l’exemplaire acheté… Tant le croquis dit ce qu’il faut savoir d’essentiel chaque jour…
Notre civilisation de l’image avalée, du clip consommé, de la surabondance télé, ne rend que plus important ce point fixe et d’une densité inouïe qu’est le dessin de presse.
La puissance de la représentation graphique, par son ironie et/ou sa gravité, son réalisme, ses détournements ou associations d’idées, par ce qu’elle dit, ou suggère, par la plume acérée des signataires aussi, a fait accéder depuis qu’il existe le dessin de presse au rang d’éditorial, de prise de position, de profession de foi.
Le dessin de presse est tout sauf neutre.
Il revendique.
Il assume.
Il induit donc à bon droit une réflexion sur son éthique.
Jusqu’où peut-on aller trop loin ? Et qu’est-ce que le « loin » ? Se repère-t-elle, cette limite à ne pas franchir ? Mais n’est-ce point la preuve que, justement, le dessin a atteint son but, comme le skud…
Seuls, sans doute, les dessinateurs et les lecteurs ont le pouvoir de le dire ici. De tout cela « Permis de croquer » (et là non
plus les mots sont tout sauf neutres…) nous permettra de débattre.
Nous remercions Jean Plantu et ses confrères membres de la Fondation « Dessins pour la Paix / Cartooning for Peace » de permettre ce forum qui trouvera à Carré d’Art le plus efficace des espaces.
L’expo, les rencontres, les échanges, sans doute aussi les défis dessinés sur un thème donné, offriront à chacun un large champ de réflexion, d’action. Dont doivent sortir grandis à la fois le respect de l’autre et la Démocratie.
L’équipe de Carré d’Art Bibliothèques a souhaité donner un coup de projecteur sur l’actualité du dessin de presse, son histoire, son devenir.
Les bibliothécaires oeuvrent chaque jour pour permettre à tous les publics d’accéder à un très large éventail de journaux et revues, de la presse nationale et internationale, sous forme papier ou en ligne.
Telle est bien la vocation des bibliothèques : offrir des clés de compréhension du monde d’aujourd’hui, favoriser le regard critique et curieux, inviter au débat sur la manière dont les médias rendent compte de l’actualité. Et le dessin de presse en est un puissant démultiplicateur.
Après le succès rencontré à Paris, l’exposition Permis de croquer : un tour du monde du dessin de presse est accueillie à Carré d’Art et joue les prolongations à Nîmes, grâce à l’adhésion immédiate de Plantu, son commissaire.
Michel Kichka (Israël) – Le Monde – 25 décembre 2007 – Dessin publié initialement par les éditions Jungle en 2006 dans la BD collective intitulée Rire contre le racisme parue à l’occasion du 20e anniversaire de SOS racisme.
Michel Kichka / Fondation Cartooning for Peace
Un événement exceptionnel par le nombre de dessins exposés (200), reflet de la production d’une trentaine de dessinateurs de presse du monde entier, et par sa redoutable force d’interpellation sur l’état du monde que nous avons souhaité relayer de toutes les manières possibles : c’est ainsi qu’une quinzaine de dessinateurs viendront à la rencontre du public et témoigneront de leur travail, “emmenés” pour beaucoup d’entre eux par Plantu, avec lequel tous partagent la passion du dessin, au service de la même cause : la paix. Dans ce cycle de rencontres, qui se prolongera tout au long de l’année 2009-2010, journalistes, chercheurs, blogueurs seront également présents pour ouvrir et nourrir auprès d’un public que nous souhaitons nombreux le débat et les échanges que le dessin de presse a naturellement vocation à susciter ; parmi les thèmes abordés : caricature et religion(s), droits de l’homme, presse et internet…
Les écoles, collèges et lycées se voient proposer des visites et, mieux encore, sont invités à participer à un grand concours de dessin, dont les prix seront remis lors de la “21ème Semaine de la Presse et des Médias dans l’école” en mars 2010. L’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Nîmes invitera également ses étudiants à croquer l’actualité.
En croisant les publics, en multipliant les points de vue, mais aussi en créant dans la ville un parcours à travers plusieurs expositions, Carré d’Art Bibliothèques traduit la richesse d’une expression graphique aux multiples engagements, à laquelle fait écho la diversité des partenaires qui nous ont rejoints dans l’aventure : l’IUFM, le CLEMI, la MGEN, l’Artothèque Sud, l’Université de Nîmes, le lycée Daudet.
Entretien avec Jean Plantu.
Pourquoi créer la fondation Dessins pour la Paix / Cartooning for Peace ?
Il nous faut des outils pour défendre la liberté d’expression en images, et cette liberté d’expression concerne les journalistes du monde entier.
Parce que nous sommes les premiers fantassins de la presse, nous sommes les premiers visés et renvoyés des journaux.
On trouve toujours un prétexte pour montrer du doigt le dessinateur. Les Danois ont servi de prétexte en étant manipulés par certains imams du Proche-Orient ou d’ailleurs, qui recherchent un schisme entre l’Occident et le monde musulman. Bien entendu, aucun des dessinateurs danois n’imaginait l’importance que l’on allait donner à cette affaire. En réalité, les imams ne veulent surtout pas que l’on critique leur intolérance. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, prétend être une figure religieuse charismatique descendant du Prophète et demande régulièrement au dessinateur libanais Stavro de ne pas le dessiner, mais Stavro continue à le faire. Au contraire du Prophète, il faut continuer à toucher les imams.
Le prétexte « Prophète » leur sert à éviter toute critique de leur dérive religieuse. Ils sont très malins, à nous d’être encore plus malins, plus subtils.
Aux dessinateurs du monde arabe, je dis ceci : s’ils ne veulent pas voir Mahomet figurer sur un dessin, ils ne doivent pas dessiner un israélien avec un nez crochu, la croix gammée etc. Les juifs vivent cela comme un blasphème parce qu’ils connaissent les suites de ce type de caricatures dans la Shoah. Aussi je propose une trêve des blasphèmes.
Un dessin de Loup montre Jésus Christ marchant sur les eaux avec les apôtres qui nagent à côté et qui lui disent en substance : « mais t’es con, elle est bonne ! ». Les chrétiens peuvent se sentir offensés dans leur croyance, même si, pour ma part, j’adore ce genre d’humour. Il faut à tout prix éviter que les religions lancent des fatwas pour un oui ou pour un non.
Si je peux continuer à critiquer Al-Qaida, les syndicats, Sarkozy, Georges Bush, les imams et les rabbins irresponsables, l’armée israélienne qui occupe la Palestine, alors je peux travailler. Nous pourrions vivre une trêve des blasphèmes comme une grosse censure. Nous nous en arrangeons et nous pouvons poursuivre ainsi notre travail. La censure, j’y pense tous les jours. Mais parce que la peur est plus forte que la justice, parce que la médiatisation de cette peur est la plus forte. Alors qu’il était encore secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan m’a proposé d’organiser une rencontre de dessinateurs de presse – faiseurs d’images – qui ont aussi une rigueur, une responsabilité journalistique qui les engagent.
A la suite de l’affaire de Mahomet, nous avons organisé une première rencontre à New York, en octobre 2006.
Plantu (France) – Le Monde (Paris) – 31 mars 2006 – Ce dessin se rapporte à celui qui figure en ouverture de ce chapitre, « Je ne dois pas dessiner Mahomet » (p. 129), dans lequel les lecteurs ont cru reconnaître Léonard de Vinci.
Plantu / Fondation Cartooning for Peace / Paris bibliothèque
Les dessinateurs ne se rangent–ils pas un peu dans le même camp, ce qui fait qu’il n’y a pas une caricature de gauche et une caricature de droite comme autrefois ?
Malheureusement oui et j’en suis désolé. Je vote à gauche, mais je suis las de faire partie d’un club de dessinateurs qui sont tous de gauche, même à l’étranger. C’est pourquoi je me bats pour la présence d’un Forattini, berlusconien. Je regrette qu’il n’y ait pas une caricature de droite.
Les dessins de Shay Charka, formidable dessinateur israélien, qui vit dans les territoires et est partisan des colonies, sont très intéressants.
Je souhaite susciter des confrontations, des débats entre des gens qui ne sont pas forcément d’accord et qu’ils se fassent avec une grande tolérance en maintenant la porte ouverte. Si Charlie Hebdo flatte son lectorat, je trouve beaucoup plus intéressant, comme je le fais, de travailler à l’Express et au Monde où j’ai la chance d’avoir tous les lectorats possibles, des gens de gauche, des gens de droite, que j’énerve.
Les lecteurs de gauche sont certainement plus énervés par mes dessins parce que je ne fais pas du tout ce que l’on attend de moi.
Quels sont les objectifs précis de la fondation ?
Nous souhaitons réunir des dessinateurs et ne plus nous interdire de mettre un dessin israélien à côté d’un palestinien ou de tout autre pays.
Nous organisons des expositions, des débats et des rencontres avec des dessinateurs qui confrontent leurs idées mais qui sont animés par le respect des opinions des autres. Il n’y a pas le camp des gentils contre le camp des méchants, il y a des dessinateurs qui ont des formes
d’expression différentes et un dénominateur commun, « pas d’humiliation inutile », et je trouve cela passionnant. Quand j’ai monté la rencontre de Rome, je voulais que Michel Kichka réalise le dessin de l’affiche. On m’a fait observer qu’il était israélien, que cela allait nous connoter : je voudrais que, dans dix ans, on puisse organiser des rencontres Dessin pour la paix / Cartooning for Peace sans aucune forme de préjugés.
L’autre objectif est d’aider les dessinateurs, et donc les journalistes, à s’exprimer.
Quand le dessinateur iranien Karimzadeh est interdit de sortie, nous devons expliquer aux autorités islamiques que nous sommes animés non pas par une vocation soit disant sioniste mais par l’envie de proposer des images politiques libres et indépendantes.
Nous voulons fustiger non pas les religions –et encore moins les croyants-, mais toutes les formes d’intolérance religieuse.
(Propos recueillis par Frédéric Casiot in Permis de croquer).
Patrick Chappatte (Suisse) – Le Temps (Genève) – 3 février 2007 – Le 1er février 2007, les membres du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) rendent le rapport d’évaluation de leur premier groupe de travail, relatif aux bases scientifiques physiques des changements climatiques. Patrick Chappatte / Fondation Cartooning for Peace
Permis de croquer : un tour du monde du dessin de presse. Exposition conçue par la Mairie de Paris / Paris bibliothèques, sous le commissariat de Plantu et Frédéric Casiot, conservateur général de la bibliothèque Forney Carré d’Art, 9 octobre 2009 – 3 janvier 2010
Du mardi au dimanche, de 10h à 18h – Tél. 04 66 76 35 03
Des dessinateurs de presse du monde entier se sont retrouvés dans le projet de la Fondation « Dessins pour la paix / Cartooning for Peace » pour célébrer le 60 ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948 – 2008).
Ce tour du monde en 200 dessins plonge le public dans l’univers de 30 dessinateurs autour de 5 thèmes : délits d’humour, affaires d’Etats, portraits des «puissants », le choc des cultures, SOS Terre. On y voit comment le dessin de presse accompagne l’actualité de façon percutante, impertinente ou provocatrice, dans un langage qui reste universel : l’humour au service de la tolérance et de la compréhension mutuelle des
hommes.
Liste des dessinateurs exposés : Georges Bahgory, Égypte – Baha Boukhari, Palestine* – Caro, Suisse* – Paulo Caruso, Brésil – Patrick Chappatte, Suisse – Ali Dilem, Algérie* – Daniella London-Dekel, Israël – Jeff Danziger, Etats-Unis – Ramize Erer, Turquie* – Giorgio Forattini, Italie – Gado / Godfrey Amon, Kenya – Emilio Giannelli, Italie – Carsten Graabaek, Danemark – Hic, Algérie – Stavro Jabra, Liban* – Thembo Kash, Congo – Khalil Abu-Arafeh, Palestine – Michel Kichka, Israël* – Andrzej Krauze, Pologne – Pierre Kroll, Belgique – Lefred-Thouron, France – Xia Lichuan, Chine – Yamano No- Río, Japon – Pat Oliphant, Etats-Unis – Plantu, France* – Ann Telnaes, Etats-Unis – Vladdo / Vladimir Florez, Colombie – Anna Von Rebeur, Argentine – Wiaz, France* – Willem, France – Mikhail Zlatkovsky, Russie
Le programme !
• Permis de croquer : un tour du monde du dessin de presse
Carré d’Art : 9 octobre 2009 – 3 janvier 2010
• Traits d’impertinence : le dessin d’humour dans la presse de 1914 à nos jours
Salle d’exposition de l’IUFM – Nîmes : 8 octobre – 18 décembre 2009
• l’actualité de l’an 2000 et 2001 vue par…
Galerie La Salamandre : 17 janvier – 17 février 2010
• Femmes à la une
Médiathèque Marc-Bernard – : 15 janvier – 15 mars 2010
• Dessins de la presse internationale –
Carré d’Art kiosque : 2 février – 27 mars 2010
• Les rencontres MGEN – Carré d’Art
Un cycle de 8 rencontres d’octobre 2009 à mars 2010 avec dessinateurs et journalistes.
Une Rencontre avec Plantu et les dessinateurs de presse de la Méditerranée aura lieu le 17 octobre 2009 :
Baha Boukhari (Palestine), Dilem (Algérie), Michel Kichka (Israël), Ramize Erer (Turquie) et Stavro Jabra (Liban), Caro et Wiaz
Ces dessinateurs ont contribué à la création de l’exposition « Permis de croquer ». Ils viennent évoquer leur parcours, leur métier de dessinateur de presse, leur vision du monde, le regard qu’ils portent sur l’actualité de leur pays, et la façon dont la presse peut ou ne peut pas en témoigner.
Salle de conférences Carré d’Art à partir de 18h.
Source et programme en détail et en images format pdf.
anti
Mordant ! J’adore Plantu, j’aime sa façon de dire les choses, son intelligence, sa pertinence, son regard et, bien entendu, son humour.
En en plus c’est à Nîmes en ce moment ! Génial !