La transmission et la quête du bonheur

En tibétain, le mot « wang » est habituellement traduit par « initiation ». En réalité, il signifie littéralement « transmission ». Une initiation au sens bouddhiste du terme est avant tout une transmission, qui permet à la véritable nature de notre esprit de s’exprimer et de conduire ainsi, graduellement, jusqu’à l’état d’éveil.

Hier soir, la transmission était au cœur de la conférence donnée par Jampa à Manduel devant une cinquantaine de personnes, en marge de la tournée des moines du Ladakh.

P9180546b.JPGLe premier à avoir employé le mot a été Aimé, le fondateur de l’association Culture Tibétaine. Lui et Jampa se connaissent depuis dix ans. Au début des années 2000, Aimé s’est rendu plusieurs fois au Ladakh. Il y a rencontré un maître nommé Dawa Lama. Alors qu’il lui rendait visite en 2005, le lama lui avait demandé de l’aider à financer la création d’une école dans son village. Cinq jours plus tard, il se tuait dans un accident de voiture. Aimé n’est retourné au Ladakh qu’en 2007. Il a fait la connaissance d’un autre lama qui avait pris la suite de Dawa et qui lui a demandé à nouveau d’aider le village. Aimé nous a raconté, très ému, qu’il y a vu une transmission depuis son maître disparu jusqu’au second. Il s’est alors lancé activement dans le projet. En 2008 est née l’idée d’organiser la tournée des moines, cette fois pour un projet plus ambitieux, celui de créer une école pour tous les habitants de la région, religieux ou laïcs, enfants ou adultes. On y enseignera la philosophie bouddhiste et les sciences.

Ensuite, Jampa a parlé. Bien que lama, il a d’emblée précisé que ce qu’il voulait partager avec l’auditoire ne serait ni religieux ni politique mais simplement son expérience d’être humain. Jampa est un Tibétain en exil et ses mots pour parler de l’occupation chinoise depuis un demi-siècle étaient uniquement des mots de paix. Sa seule revendication est le respect des droits de l’homme, la justice. Il veut que son pays soit libre parce que rien ne justifie que son peuple soit occupé par une puissance étrangère et contraint d’abandonner sa culture, sa langue et son mode de vie.

P9180553b.JPGIl a ensuite largement décrit les bases de la philosophie bouddhiste et plus précisément de la quête du bonheur. « Le but de la vie, c’est d’être heureux et de ne pas être malheureux », a-t-il déclaré en préambule. Plusieurs religions et courants de pensée dans le monde proposent des voies pour y parvenir. « Le message de celui que l’on nomme Bouddha (l’éveillé) n’est pas religieux » a ajouté Jampa. Il s’agit de trouver en soi la source du bonheur et celle de la souffrance d’une façon absolue. « Quand je suis heureux, je rends les autres heureux, quand je suis malheureux, je rends les autres malheureux ». La cause du bonheur est donc en chacun de nous. Pour ce faire, le bouddhisme se base sur uniquement deux principes :

– la non-violence : ne faire de mal à personne et, si possible, faire du bien au plus grand nombre.

l’interdépendance, une constatation purement humaine et terre-à-terre : chacun de nous dépend de tous les autres et de tout ce qui nous entoure. Mieux nous en sommes conscients et meilleure sera notre vie et donc celle des autres.

Notre esprit est fondamentalement pur. Reste à lui permettre de se révéler. C’est le rôle de la transmission. Le Dalaï Lama l’exprime avec sa clarté habituelle : « Pour commencer, notre nature fondamentale, ce qu’on appelle “la nature de l’éveil”, la véritable nature de notre esprit, est présente en nous de manière naturelle et inhérente. Cet esprit qui est le nôtre, fonctionne depuis un temps sans commencement ; il va de même pour la nature plus subtile de cet esprit. Sur la base de la continuité de cette nature subtile, se fonde la possibilité d’atteindre l’Éveil, état de libération spontanée de toute souffrance. Ce potentiel est ce que l’on appelle la graine de l’éveil, la nature fondamentale.

Il est certain qu’en nous tous demeure ce potentiel qui nous permet de nous éveiller et de reconnaître la nature de notre esprit. Le processus de l’initiation, ou transmission, extrait en quelque sorte ce potentiel, et lui permet de se manifester plus pleinement. Quand vous recevez une initiation, c’est la nature de votre esprit, la nature de l’éveil, qui permet que cette initiation vous fasse mûrir ».

On ne peut pas espérer atteindre une paix universelle si l’on n’a pas d’abord atteint la paix intérieure.

Très belle journée à vous

La citation du Dalaï Lama est extraite d’un enseignement donné à Vincennes le 7 octobre 1982. Son texte intégral peut être trouvé par exemple sur ce site, dans le paragraphe « Initiation ».

4 Replies to “La transmission et la quête du bonheur”

  1. sapotille Post author

    « Le message de celui que l’on nomme Bouddha (l’éveillé) n’est pas religieux » a ajouté Jampa. Il s’agit de trouver en soi la source du bonheur et celle de la souffrance d’une façon absolue. « Quand je suis heureux, je rends les autres heureux, quand je suis malheureux, je rends les autres malheureux ».

    … C’est si important de dire cela dans notre monde de compétition tous azimuts… Un vrai retournement à opérer

  2. anti Post author

    Quelle belle soirée que celle d’hier… De bien belles autres s’annoncent encore. La présence de Jampa, comme celles des moines et de Aimé est tellement douce et agréable. Bienveillante.

    « Jampa est un Tibétain en exil et ses mots pour parler de l’occupation chinoise depuis un demi-siècle étaient uniquement des mots de paix. Sa seule revendication est le respect des droits de l’homme, la justice. Il veut que son pays soit libre parce que rien ne justifie que son peuple soit occupé par une puissance étrangère et contraint d’abandonner sa culture, sa langue et son mode de vie. »

    Absolument. Si seulement plus de personnes pouvaient parler, penser et agir ainsi. Et pourtant, Jampa, comme les autres tibétains en exil, vit une situation difficile. On le ressent bien dans cet article de Rue 89 de mars 2008 :

    Nyima, Lobsang, Jampa et Gonpo, Tibétains exilés à vie.

    Ils sont 500 à 600 à séjourner et à travailler à Paris. Les destins de ces exilés tibétains se croisent, se confondent : des vies familiales déchirées, le choix d’un exil irréversible, d’abord vers l’Inde ou le Népal, puis vers l’Europe. Ils sont trentenaires, à cheval entre ces deux générations dites « autonomistes » et « indépendantistes » que Pékin voudrait voir se déchirer.

    Des êtres affables qui, comme leur guide spirituel, le dalaï lama, prônent l’apaisement des rapports sino-tibétains. Dans leurs propos, aucune haine antichinoise, aucun sentiment de rancœur affiché à l’encontre de pays comme la France, qui refuse de froisser Pékin sur la question tibétaine. Mais une réelle souffrance partagée.

    « Je n’ai vu ma famille que cinq heures »

    Dans l’appartement qu’elle partage avec son compagnon français, au nord de Paris, Nyima m’accorde un peu de son rare temps libre. A 34 ans, cette Tibétaine a repris des études d’histoire et prépare un mémoire sur les relations diplomatiques entre le Tibet et la Grande-Bretagne. Les après-midis, elle file à l’Ofpra, où elle travaille comme traductrice franco-tibétaine :

    » Je vois des réfugiés politiques tibétains pleurer parce qu’il y a écrit « chinois » sur leur carte de séjour. »

    Nyima est originaire d’un village qu’elle préfère ne pas mentionner pour protéger sa famille. A 11 ans, elle quitte le pays. Ses parents la confient à son oncle, qui l’emmène en Inde, à Dharamsala, » le petit Lhassa » , où elle rejoint l’école fondée par Jetsun Pema, la soeur du dalaï lama. Plus tard sa » marraine française » l’accueille :

    » Je ne sais pas pourquoi mes parents m’ont envoyée en Inde, pour que j’ai une vie meilleure, j’imagine. Je n’ai jamais eu l’occasion de leur demander. »

    Pendant vingt ans, Nyima n’a eu aucun moyen de communiquer avec sa famille : » Ils n’avaient pas le téléphone dans le village. » En 2004, elle tente une première fois de rencontrer ses parents. Elle paie un passeur pour traverser clandestinement la frontière. C’est un échec. Elle retente l’expédition en 2007, avec succès. Pendant cinq heures, elle retrouve sa famille, qu’elle n’avait pas vu depuis vingt-cinq ans :

    L’enfant de la diaspora

    Jampa a 35 ans. Ce beau Tibétain à la peau mate et à la longue crinière noire est né en exil à Daarjeling, dans le nord de l’Inde. En 1959, lorsque l’armée chinoise envahit le Tibet, les parents de Jampa, fidèles disciples du dalaï lama, suivent leur mentor jusqu’en Inde. Tant que le Tibet sera sous le joug politique de Pékin, Jampa, enfant de la diaspora, n’a aucune chance d’y pénétrer :

    » Je rêve d’y aller. Moralement, c’est difficile. J’ai le sentiment de ne pas avoir d’identité. »

    Alors il compense comme il peut, en enseignant la langue et la culture traditionnelle tibétaines. Jampa a vécu en Inde jusqu’en 1997, avant de venir en France via une association d’aide aux réfugiés tibétains :

    » La culture tibétaine véhicule des valeurs fortes de pacifisme et de spiritualité. Les Tibétains craignent que la politique d’assimilation culturelle aggressive que mène Pékin depuis des décennies n’asphixie notre civilisation. »

    La fuite précipitée

    Dans le quartier indien du XVIIIe arrondissement de Paris, il retrouve dans un restaurant son ami Lobsang, 37 ans, ancien fermier originaire de l’Est du Tibet. Ce farouche défenseur de la culture tibétaine parle un français approximatif, mais il a beaucoup de choses à dire. Jampa sert de traducteur :

    » C’est triste de voir les conséquences de cette modernisation imposée par Pékin. Des bars et des prostituées partout à Lhassa, la discrimination à l’embauche si on ne parle pas mandarin, le pillage de nos ressources naturelles. J’ai toujours exprimé mon mécontentement, en collant des affiches, en participant aux manifestations. »

    En 2000, Lobsang est contraint de fuir son pays en urgence :

    » Un jour, les policiers sont venus me chercher chez mes parents. J’étais absent, les voisins m’ont averti. J’ai immédiatement quitté le pays. Pour les autorités chinoises, il n’y a rien de plus grave que de manifester contre le régime, de remettre en cause la stabilité politique. Si tu te fais arrêter pour avoir manifesté, tu risques ta vie, où au mieux quelques années de prison et la torture. »

    Après un court séjour au Népal, Lobsang a débarqué en France. Aujourd’hui, il mène une double vie : à la fois musicien-chanteur en langue tibétaine et cuisinier dans un restaurant parisien. Il sort un papier de sa poche : » Voilà ce qui se passe en ce moment » . Sur la feuille, des visages tuméfiés, des photos de cadavres de Tibétains tués par balle. » Des proches m’ont fait parvenir ces images par mail. » Depuis une semaine, Lobsang ne parvient plus à joindre sa famille au téléphone.

    « En Inde, ils n’acceptent plus les Tibétains »

    Après un exil de sept ans en Inde, Gonpo, 39 ans, vit en France depuis juillet dernier avec sa femme et sa fille de 11 ans :

    » En Inde, ils n’acceptent plus les Tibétains maintenant. Nous sommes clandestins là-bas. »

    Comme le dalaï lama, il est originaire de Amdo, région autrefois dévastée par l’Armée populaire de libération : » Ils ont tué mes grand-parents et pillé leurs biens » . Gonpo a eu » le privilège » de suivre des études et d’apprendre le mandarin. Dans son village, il est devenu traducteur pour le gouvernement chinois :

    » Tout le monde ne va pas à l’école au Tibet, c’est trop coûteux. Sur les 4000 personnes de mon village, je suis le seul à maîtriser le chinois. »

    En 1994, il rejoint un groupe d’une quinzaine de militants décidés à mener des actions concrètes pour protéger la culture tibétaine :

    » Le gouvernement chinois nous interdit de poursuivre nos études en langue tibétaine et considère le bouddhisme comme un poison. Ça énerve les gens. »

    Gonpo et ses accolytes publient un magazine, aussitôt censuré. Depuis l’Inde, ils impriment aussi des livres sur la vie du dalaï lama et les font envoyer aux écoles tibétaines :

    » Des amis policiers ont commencé à me mettre en garde. Ils m’ont dit : « Attention, tu travailles pour le gouvernement chinois. »

    Entre temps, son frère, moine bouddhiste, est arrêté dans un monastère et emprisonné trois ans, sans réel motif. Au bout du compte, Gonpo devra fuir. Derrière lui, il laisse sa mère, aujourd’hui décédée, et son père, qu’il pense ne jamais revoir, à moins d’obtenir des papiers français. Mais, Gonpo est lucide : » Il a 73 ans. Lorsqu’on se parle au téléphone, on pleure. »

    http://www.rue89.com/2008/03/25/nyima-lobsang-jampa-et-gonpo-tibetains-exiles-a-vie?page=1

    anti

  3. ramses Post author

    Anti,

    Je ne vois toujours pas pourquoi la Chine s’acharne à vouloir annexer le Tibet… Ca me paraît contre-productif sur le plan international et, sur le plan pratique, je ne pense pas qu’ils viendront à bout de la résistance des tibétains et de leur culture. A moins qu’ils y aient un véritable intérêt stratégique, (qui m’échappe, depuis l’éclatement de l’URSS) je pense que les Chinois tireraient une grande victoire diplomatique d’un retrait du Tibet.

    « On ne peut pas espérer atteindre une paix universelle si l’on n’a pas d’abord atteint la paix intérieure. » C’est aussi le message du Christ révélé par les Evangiles.

  4. anti Post author

    Voili voilà. J’y suis Ramses. J’ai retrouvé le Géo de février 2009 sur le Tibet, je ne sais pas si tu l’as Ramses. Pp.74-76 tu as un article sur « Pourquoi la Chine veut garder le contrôle ». ( http://www.tibet-info.net/www/Magazine-Geo-fevrier-2009-Le-Tibet.html )

    1/ Six fleuves majeurs d’Asie prennent source au Tibet

    2/ Le sous-sol regorge de minerais précieux

    3/ Le Tibet est une terre de conquête pour le peuple Han

    D’autres infos sur ce forum : http://www.za-gay.org/forum/viewtopic/10812/l-independance-du-tibet-commentaires/0/

    anti

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