Antiochus a relayé sur son blog cet article d’Elisabeth Badinter publié par le Nouvel Observateur. Comme lui, je trouve qu’elle s’exprime avec simplicité (et force) sur un sujet complexe et je le relaie donc, à mon tour, dans nos pages.
Le sujet est particulièrement d’actualité : un sondage publié hier soir par 20 Minutes montre qu’une large majorité de Français musulmans est opposée à une loi sur le voile intégral, y voyant une prescription coranique (ce qui est faux mais perçu comme tel) et une « conception culturelle de la pudeur féminine » (je cite). Il faut aussi préciser que le port de la burqa en France est un phénomène marginal, seulement 367 femmes ayant décidé de la porter selon une étude gouvernementale récente. Ces faits étant rappelés, à chacun de se faire une opinion.
Adresse à celles qui portent volontairement la burqa (par Elisabeth Badinter)
Après que les plus hautes autorités religieuses musulmanes ont déclaré que les vêtements qui couvrent la totalité du corps et du visage ne relèvent pas du commandement religieux mais de la tradition, wahhabite (Arabie Saoudite) pour l’un, pachtoune (Afghanistan/Pakistan) pour l’autre, allez-vous continuer à cacher l’intégralité de votre visage ? Ainsi dissimulées au regard d’autrui, vous devez bien vous rendre compte que vous suscitez la défiance et la peur, des enfants comme des adultes.
Sommes-nous à ce point méprisables et impurs à vos yeux pour que vous nous refusiez tout contact, toute relation, et jusqu’à la connivence d’un sourire ? Dans une démocratie moderne, où l’on tente d’instaurer transparence et égalité des sexes, vous nous signifiez brutalement que tout ceci n’est pas votre affaire, que les relations avec les autres ne vous concernent pas et que nos combats ne sont pas les vôtres.
Alors je m’interroge : pourquoi ne pas gagner les terres saoudiennes ou afghanes où nul ne vous demandera de montrer votre visage, où vos filles seront voilées à leur tour, où votre époux pourra être polygame et vous répudier quand bon lui semble, ce qui fait tant souffrir nombre de femmes là-bas ?
En vérité, vous utilisez les libertés démocratiques pour les retourner contre la démocratie. Subversion, provocation ou ignorance, le scandale est moins l’offense de votre rejet que la gifle que vous adressez à toutes vos soeurs opprimées qui, elles, risquent la mort pour jouir enfin des libertés que vous méprisez.
C’est aujourd’hui votre choix, mais qui sait si demain vous ne serez pas heureuses de pouvoir en changer. Elles ne le peuvent pas… Pensez-y.
Elisabeth Badinter
Photos : Sipa (E. Badinter) et IMC World Wide (femmes en burqa)
Etant donné le caractère particulièrement sensible du sujet traité, je tiens à rappeler ici deux évidences valables sur l’ensemble du blog :
– tous vos commentaires sont les bienvenus
– tout propos raciste ou injurieux sera systématiquement supprimé.
J’aime beaucoup Elisabeth Badinter qui est est, à mes yeux, une des rares personnes à savoir reconnaître ses erreurs ce qui lui permet d’avoir ce brillant esprit d’analyse.
C’était curieux hier. Anna me racontait qu’elle voulait relayer ce mot qu’elle venait de lire chez Antiochus. Moi, je lui raconte que c’est amusant car je voulais faire justement qq chose sur la burqa aussi dans le cadre de « Visa pour l’image » (sur le blog un peu plus tard dans la journée). Je vais à mon ordi pour lui envoyer les liens et paf ! Là, un mail de Sapotille avec un scan de l’article de Badinter !
anti, tout est lié.
Un article de juin dernier « La loi sur la burqa ou la défaite de la laïcité »
Cinq ans après le voile, le débat monte d’un cran : c’est la burqa, aujourd’hui, qui pose problème. Tragique.
La dépêche de l’AFP est tombée hier, peu après 18 heures 30 : « Une soixantaine de députés, emmenés par le député PCF de Vénissieux (Rhône) André Gérin, ont demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le port en France de la burqa ou du niqab, le voile intégral revêtu par certaines femmes musulmanes, au risque de relancer une « guerre du voile ». Cinq ans après la loi sur le port du voile à l’école, le débat ne porte donc plus sur un foulard qui cache les cheveux (et le cou, dans certains cas), mais sur un vêtement qui recouvre l’intégralité du corps des femmes, de la tête aux orteils, ne laissant apparaître que les mains (gantées) et les yeux (et encore, pas toujours). Comment a-t-on pu en arriver là ?
« Epiphénomène monté en épingle », diront les sempiternels Amélie Poulain des banlieues — sociologues bien-pensants, associatifs aveugles, etc. « Islamophobie », diront les communautaristes — l’UOIF est d’ailleurs déjà montée au créneau et dénonce « une nouvelle manoeuvre propre à encourager les amalgames » selon son secrétaire général Fouad Alaoui.
Ont-ils raison ? Non. Le problème existe. Certes, lorsqu’on parle de burqa ou de niqab, ce sont les images des femmes afghanes ou iraniennes qui viennent à l’esprit de beaucoup de Français. Mais ceux qui vivent dans les cités de Roubaix, de Vénissieux, de Val de Reuil, de Nanterre ou d’ailleurs pensent, eux, à celles qu’on surnomme dans certaines villes les « Belphégor », ces sombres silhouettes fantomatiques et saisissantes dont la seule vision fait bondir le cœur dans la poitrine. Eh oui : il est des endroits en France où le spectacle de ces femmes sans visage, qui toujours se hâtent pour se dérober aux regards des passants— sauf quand elles sont accompagnées de leur mari — fait partie du quotidien. Des quartiers où le port de la burqa ou du niqab se banalise. C’est ce que dénoncent André Gérin et les 57 autres parlementaires de tous bords (communistes, socialistes, UMP, Nouveau centre, non-inscrits). « Nous sommes aujourd’hui confrontés, dans les quartiers de nos villes, au port par certaines femmes musulmanes de la burqa, voilant et enfermant intégralement le corps et la tête dans de véritables prisons ambulantes ou du niqab qui ne laisse apparaître que les yeux », écrit le maire de Vénissieux dans sa proposition.
Peu à peu, élus et associatifs lui emboîtent le pas, comme s’ils avaient attendu cette occasion pour évoquer un problème dont ils avaient connaissance depuis longtemps. Xavier Darcos, interrogé ce matin sur I-Télé, a qualifié la burqa de forme « d’oppression ». Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité, se dit favorable à une proposition qui « a pour intérêt de mieux creuser la question pour mieux comprendre et agir ». Fadela Amara considère que c’est « une bonne initiative » et que « la démocratie et la République » doivent se donner « les moyens de stopper la propension de la burqa. » La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, se dit «profondément choquée» par la situation. Le recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur a « déploré », sur Europe1, que le port de la burqa se développe en France, signe évident pour lui d’une « radicalisation ».
Le débat n’est donc pas de savoir si la burqa se développe en France : 24 heures après la dépêche de l’AFP, personne ou presque ne le nie plus. La polémique porte dorénavant sur la nécessité, ou non, d’interdire ce « vêtement » dégradant. Cinq ans après la loi sur le voile à l’école, voilà où nous en sommes : déterminer si le port de la burqa à l’Afghane ou du niqab à l’Iranienne relève ou non de la simple liberté individuelle. Finalement, la laïcité est peut-être en train de perdre définitivement la partie.
http://www.marianne2.fr/La-loi-sur-la-burqa-ou-la-defaite-de-la-laicite_a180925.html
anti
» Il faut aussi préciser que le port de la burqa en France est un phénomène marginal, seulement 367 femmes ayant décidé de la porter selon une étude gouvernementale récente. »
Ce chiffre est remis en cause dans cette excellente vidéo de l’Express :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/burqa-le-rapport-scandale_777698.html
« On nous dit, dans ce rapport de police que la plus jeune des femmes porteuses de burqa enregistrée a 5 ans… »
anti
J’avais lu cet article d’Elisabeth Badinter dans un Nouvel Obs je crois, et j’avoue que ça m’avait terriblement remué, c’est tellement criant d’évidence
Dans l’interview de l’Express, Christophe Barbier parle de la burqa comme d’une forme d’excision mentale. Ce terme, très fort, résume tout.
Voilà une analyse directe, humaine et franche.
La comparaison avec l’excision est d’autant plus pertinente que l’excision est également très souvent présentée (principalement en Afrique) comme une prescription coranique, ce qui est tout aussi faux que pour la burqa. Parmi les nombreux individus (et ONG telles qu’Amnesty) à se dresser contre cette mutilation insensée, je tiens à citer Youssou N’Dour, le célèbre chanteur sénégalais qui est également griot, c’est à dire musulman gardien de la foi. S’appuyant sur le respect associé à ce titre autant que sur sa popularité en tant que chanteur, il fait activement campagne depuis des années, en Affrique et dans les milieux africains des autres pays, pour rappeler que RIEN dans le Coran n’indique que les femmes doivent être excisées et que donc, tout bon musulman doit refuser absolument cette pratique.
A propos des griots, puisque peu, apparement savent vraiment ce qu’est un griot:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Griot
🙂
Merci Sapopour cette excellente rectification !!!
anti, et en rectifiant, patati , patata 😉
Oups. Je voulais dire « gardien de la tradition » (pas de la foi) et il se trouve que Youssou est également musulman d’où mon raccourci très approximatif pour parler de son action contre l’excision.
Anna, coup de pierre occulte
« d’où mon raccourci très approximatif »
Tu m’étonnes ! Des ignares comme moi seraient restés avec une définition de griot vachement biaisée quand même !
anti, vigilance et persévérance.
Je suis assez réservé sur les bénéfices retirés d’une Loi interdisant le port de la burqa et du niqab, qui ne concerne qu’une très faible minorité de musulmanes vivant en France. La plus grande concentration de niqab se trouve sur les Champs-Elysées. Ce sont de riches touristes iraniennes, buvant un thé au Fouquet’s ou dégustant une glace chez Haagen-Dazs… L’une des conséquences d’une telle Loi est que ces femmes ne sortiront plus de chez elles, les enfermant encore un peu plus dans leurs pratiques fondamentalistes. Une approche individuelle me paraîtrait plus opportune. Comme je l’ai écrit sur la note d’Anti, et qui est confirmé par le sondage de « 20 minutes », le fossé risque de se creuser encore plus entre les communautés, est-ce le but recherché ? L’excision est toujours pratiquée majoritairement en Egypte sur les très jeunes filles. Je n’entends pas nos « bien-pensants » s’élever contre cette pratique répugnante…
Sont-ce des touristes iraniennes ou des habitantes de la France qui portent la burqa ? En effet une différence serait à faire.
Mais comment dialoguer avec celles qui vivent en France ? Le dialogue me semblerait nécessaire.
Kathy,
Il y a assurément pas mal de touristes iraniennes qui portent le niqab (voile noir intégral ne faisant apparaître que les yeux). Les fera t’on deshabiller à leur descente d’avion ?
La burqa grillagée est sûrement très rare en France. Niqab/burqa confondus, on en recense moins de 400… Contrairement à ce que prétend Elisabeth Badinter, ces femmes, dans leur majorité, ne portent pas volontairement ces habits singuliers, ce sont leurs maris intégristes qui les leur imposent. En les fustigeant, elle se trompe complètement de cible… En interdisant par une Loi ces acoutrements, on empêchera tout simplement ces femmes de sortir de chez elles… « Cachez ce sein… » à l’envers ! Un dialogue à travers des Associations musulmanes serait beaucoup plus efficace. La grande majorité des musulmans de France redoute comme nous les intégristes, mais n’acceptera pas une Loi qu’ils estimeront discriminatoire. Pour moi, cette affaire est un non-évènement, montée en épingle à des fins électoralistes (elle est évoquée régulièrement depuis plusieurs années).
Merci pour ces explications ramses. Je pense aussi qu’il faut agir par le dialogue et non pas par la violence. Il serait souhaitable qu’il puisse y avoir des informations via les mosquées et faire réfléchir les hommes musulmans sur cela, arriver à leur faire avoir une prise de conscience par leur milieu.
Quant à moi, je vous remercie au passage pour le ton ouvert et respectueux de vos commentaires tout à fait constructifs.
Aux alentours de la petite ville dont je suis proche, il y a au moins cinq ou six femmes en burqa. Niqab sont courants.
cette ville n’a rien de spécial.
Des villes somme celle-ci il y en a des centaines, des milliers, peut-être.
Les mosquées? Oui. J’ai parlé de l’ouverture oeucuménique d’il y a .. plus de vingts ans !
Et dont l’Imam de la mosquée de Paris était un exemple. Il a été remplacé, suite à sa mort.. très brutale. Le climat est tout autre maintenant.
Est-ce le seul endroit où ce genre de changement à eu lieu? je ne le pense pas. Hélas.
J’ai été en Egypte il y a vingts ans et à nouveau il y a environ trois ans. Aucun doute. Les temps ont changés. Le Sud était un paradis d’accueil et de joie. C’est quasi dangereux maintenant. Les souks sont devenus des attrapes touristes sans charme.Vous trouverez les mêmes choses partout. Mais il y avait des sourires. On parlait. maintenant, non.
revenons en France..
Alors
…dialogue..oui.. avec qui?
Et ces femmes, si elles peuvent lire Badinter, on ne sait jamais? C’est un article assez court qui peut être lu entre deux stations de métro..on peut toujours rêver.. peut-être pourront-elles ouvrir une porte sur un penser « radicalement différent », car Jamais des personnes de leur famille ne leur parleront ainsi.
Avec qui pourraient-elle dialoguer? Cela fait longtemps que leurs interlocuteurs sociaux (au nom du respect des liens familiaux et des « différences culturelles » en général) coopèrent, par leur silence, à leur isolement.
Pourquoi en FRANCE ne sommes nous pas capables de prendre une décision ferme sans les sempiternelles palabres entre Associations et Intellectuels qui ne font que ramollir notre laïcité et détériorer notre République. Prenons exemple sur le bon sens des Belges qui interdisent de se promener dans la rue ET lieux publics en étant Masqués.
Ceci pour de simples raisons de sécurité.
On ne doit pas à chaque fois rentrer dans des considérations vaines et stériles.
« cette loi, si elle passait (d’abord elle est ridicule faire une loi pour à peu près 500 femmes !!!), comme le disent les opposants, pour celles qui ont “choisi”, surtout pour être médiatisées, elles seront prêtes à le garder pour être encore plus médiatisées lorsque la police essayera de leur faire respecter cette loi : “je suis une pauvre martyre, il n’y a plus de liberté en France, on m’oblige à me conduire contre ma religion et ma pudeur …” et tous les médias pourront reprendre leurs paroles (sans se rendre compte que ce m’est justement pas “par pudeur” que ces quelques femmes portent le voile mais, au contraire, pour faire parler d’elles°. Et puis il y a toutes celles (sur les 500, n’exagérons pas !!) qui portent le voile intégrale parce que leur père, leur mari et leurs frères leur imposent de le porter. »
Je ne sais pas si « lingerie sexy » est un « dofollow » ou un clin d’oeil…
Mais je suis sûr que cette Loi sur l’interdiction du voile intégral va déclencher une salve d’opposants « bien pensants » aux tenues de plus en plus débridées de certaines jeunes Françaises « de souche » (et pas seulement en privé…)
Cette Loi va sans doute provoquer des « dommages collatéraux » et provoquer des débats sans fin sur ce qui est « permis » et « défendu » en matière d’habillement… (sans parler de certaines pubs, qui dépassent les bornes…)
Exactement ce que j’allais faire aussi. Le commentaire a toute sa place sur ce fil, donc pas de problème pour le laisser. La pub pour un site commercial (quel qu’il soit) est par contre non acceptable sur ce blog. Si « lingerie sexy » repasse par là, j’espère qu’elle en tiendra compte à l’avenir. Sinon, je la bannirai comme tous les autres dofollows qui ont tenté de poser leurs ancres chez nous.
Évidemment, la chronique d’E BADINTER est très juste et fine. Mais pour moi, le problème ne réside pas en ces quelques femmes qui portent ces tenues par provocation, mais bien dans celles qui sont « obligées » de le faire… à cause de leur mari, de leur mari ou de la pression qu’elles subissent dans des environnements sexuellement agressifs. Pour cela, je m’oppose à cette loi qui leur interdit l’accès aux lieux publics, car alors, où iront-elles? on ne peut repousser hors de nos frontières tout ce qui nous heurte et nous bouscule…