Hier, Anna, qui s’occupait de la piscine, me crie « Vite ! Descends avec l’appareil photo ! » Dans ces circonstances, je fais vite, sans poser de question. Et hop ! Je suis arrivée pour assister à un magnifique spectacle : la naissance d’une cigale, où tout du moins, ses premières minutes de vie hors de son exuvie.
Le mythe de la métamorphose, un article de Guy Belzane, agrégé de lettres.
Rêve ou cauchemar archétypal, la métamorphose constitue, au-delà du phénomène réel, un mythe universel qui nourrit les religions, obsède les arts et fascine les sciences.
À l’image de ce qu’elle désigne, la notion de métamorphose est insaisissable : permanente et universelle, elle échappe sinon à toute définition – un « changement de forme », selon l’étymologie (du grec méta- : « au milieu », « à la suite de », d’où « changement », et morphê : « la forme ») –, du moins à toute circonscription. La graine se change en fleur, l’œuf fécondé en être vivant, le galet en sable, l’enfant en adulte, le jour en nuit, la vie en mort, et ainsi de suite à l’infini.
Ce mouvement généralisé nous est-il devenu aussi familier que nous aimerions le croire ? La pensée rationnelle a-t-elle vaincu nos croyances, chassé nos rêves ou nos cauchemars ancestraux ? Rien n’est moins sûr.
Les premiers hommes durent être saisis de vertige et d’effroi face à ce gigantesque kaléidoscope. C’est pourquoi les récits de métamorphoses sont au cœur des cosmogonies sacrées. Mais, si notre civilisation a fait le choix du changement – que nous nommons progrès – et de la raison – que nous nommons réalité –, le thème de la métamorphose a continué d’obséder l’homme. En témoignent non seulement l’art et la littérature, mais aussi la science moderne (qu’elle soit exacte, comme la biologie, ou humaine, comme la psychanalyse), à laquelle on doit, à certains égards, la réactualisation de ce motif.
Un mythe de la création du monde et des hommes
Le mythe de la métamorphose – récit fabuleux mettant généralement aux prises les hommes et les dieux – est d’abord un mythe étiologique (du grec aitia, « cause ») : il a pour fonction d’expliquer le monde, de lui donner un sens. Ainsi, à l’origine de telle plante, de telle pierre, de telle île ou de telle rivière, il y aurait la transformation d’une divinité. Rassurante, bienveillante, la métamorphose s’emploie ici à résorber l’étrangeté.
En assignant aux choses une source humaine ou divine, l’homme reconstruit le monde à son image, et, par là même, il se donne la possibilité d’agir sur lui : si les animaux, les plantes, les phénomènes naturels qui me menacent ou dont je dépends sont des hommes ou des dieux transformés, je peux alors m’adresser à eux, par exemple par le truchement du sorcier, du prêtre ou du chaman, afin qu’ils me ménagent leurs faveurs, ou au moins m’épargnent leur fureur.
Les mythes de métamorphoses étiologiques privilégient donc des éléments vitaux pour les sociétés dans lesquelles ils s’inscrivent : le feu (chez tous les peuples), la nourriture (la naissance du maïs chez les Américains), la nature (la baleine, l’ours ou le phoque chez les Esquimaux), etc.
Mais, bien entendu, c’est de sa propre origine que l’homme a de tout temps été le plus curieux, le plus inquiet. Innombrables sont donc les mythes qui rapportent la création de l’homme (de tous les hommes ou, plus souvent, du fondateur du peuple, de la race, de la tribu) à une métamorphose. C’est le cas dans la Bible : « Yahvé modela l’homme avec la glaise du sol. » (Genèse, I, 7), et, plus tard, « de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme. » (Genèse, II, 21).
Contre le chaos du monde, l’unité du grand Tout
Le mythe de la métamorphose rassure à un autre titre : en rapportant à une origine connue ce monde apparemment incompréhensible, il lui confère également l’unité qui semblait lui faire défaut. Car, si les dieux et les hommes peuvent devenir des animaux, des végétaux, des minéraux, si même, de l’un à l’autre de ces règnes, de l’une à l’autre de ces espèces, les passages sont possibles, c’est bien que l’univers est homogène et cohérent. Ainsi, le mythe de la métamorphose proclame l’unité du grand Tout.
C’est pourquoi on le trouve à l’œuvre aussi bien dans les religions syncrétiques (associant plusieurs types de croyances, du dieu unique aux esprits) comme l’animisme ou le panthéisme – pour lesquelles la nature, divinisée, est peuplée d’âmes, d’esprits – que dans les conceptions matérialistes d’un Lucrèce ou d’un Diderot, selon qui « tous les êtres circulent les uns dans les autres, par conséquent toutes les espèces […] tout est en flux perpétuel […] tout animal est plus ou moins homme ; tout minéral est plus ou moins plante ; toute plante est plus ou moins animal ». (Le Rêve de d’Alembert, 1769).
Dans ce monde de correspondances où se réalise la fusion de l’homme et de la nature, divinisée ou pas, la métamorphose n’est nullement un scandale, une anomalie ou un miracle, mais la manifestation même de l’harmonie universelle : c’est un changement témoignant d’un ordre, d’une permanence, d’une continuité dont, à y bien réfléchir, l’évolutionnisme darwinien n’est pas si éloigné.
Se transformer pour échapper éternellement à la mort.
Permanence : le mot nous guide vers une autre signification, non moins fondamentale, du mythe de la métamorphose ; non contente de nous apporter le sens et l’unité, celle-ci nous offre de surcroît l’éternité.
Dans les récits mythologiques, la transformation se révèle généralement définitive, et celui qui en est le bénéficiaire ou la victime échappe désormais à la fragilité humaine : dans Les Métamorphoses d’Ovide, Daphné, pour échapper à Apollon, se transforme en laurier, arbre à feuilles persistantes ; et la source-Byblis coulera éternellement (« Byblis reste étendue, muette, elle serre avec ses ongles les herbes vertes et arrose le ruisseau d’un torrent de larmes. Les Naïades en formèrent une source qui ne devait jamais tarir ; quelle faveur plus grande pouvaient-elles lui accorder ? »).
Au reste, cet échec à la mort est inscrit, au moins potentiellement, dans l’idée même de métamorphose. Changer d’état, n’est-ce pas suspendre, comme par ruse, le cours du temps, à défaut de l’arrêter tout à fait ? En ce sens, toute métamorphose est bien une métempsycose (transmigration de l’âme). Étiologique, syncrétique, le mythe de la métamorphose est donc aussi un mythe palingénésique : un mythe de la résurrection.
Mourir pour mieux renaître dans un autre corps, animal ou humain ; affirmer ainsi, par-delà le caractère éphémère de toute vie individuelle, la continuité de la vie ; franchir la limite qui sépare l’humanité de la divinité, au risque de la démesure : tel est le rêve humain par excellence. Ce pouvoir de vivre plusieurs vies, seuls le détiennent en effet les puissances supérieures et quelques rares élus qui en reçoivent la récompense (ou la punition) des dieux. Ou ceux qui, comme les acteurs, scandaleusement, se l’arrogent eux-mêmes.
Les deux visages de la métamorphose
Dans le monde antique, primitif ou merveilleux, on le voit, la métamorphose est à la fois courante, presque banale, et chargée d’une valeur plutôt positive. Même si elle apparaît souvent comme une arme cruelle, injuste, arbitraire, on n’en admire pas moins, autant qu’on les redoute, ses fascinants prodiges.
Il est d’ailleurs frappant de constater que ceux qui possèdent ce don – dieux, magiciens, etc. – en usent à profusion, avec une sorte de jubilation extrême, une frénésie hors de proportion avec l’enjeu. Ainsi en va-t-il de Zeus-Jupiter dans la mythologie gréco-romaine (taureau, cygne, pluie d’or, mari même !)
Ailleurs, on assiste à de véritables séries de métamorphoses, s’enchaînant à un rythme forcené. C’est le cas, par exemple, dans l’« Histoire du deuxième Saalouk » des Mille et Une Nuits, des transformations de Protée dans le chant IV de L’Odyssée d’Homère, de celles de Alberich dans L’Or du Rhin ou encore du combat entre Merlin et Madame Mime dans Merlin l’Enchanteur de Walt Disney !
Il y a pourtant une face plus sombre de la métamorphose. Dans le monothéisme judéo-chrétien, l’ordre réside moins dans l’homogénéité du grand Tout que, d’abord, dans la distinction et la classification. Dans la Genèse, Dieu crée les plantes, les bêtes, et l’homme, « selon leur espèce » (l’expression est souvent répétée dans le Premier Récit de la Création).
D’intangibles mais imperméables frontières sont alors tracées, dont le franchissement constitue une faute grave. Dans ce contexte, et sous sa forme désormais la plus courante : celle de l’homme en animal, la métamorphose apparaît doublement coupable. D’abord elle met en cause la séparation des espèces voulue par Dieu, ensuite elle constitue une régression infamante et scandaleuse, l’expression de la bestialité qui persiste en l’homme, prête à resurgir au moment même où il s’affirme hors d’elle et contre elle. En ce sens, elle ne peut être que l’œuvre du démon.
C’est aux XVIe et XVIIe siècles que la lycanthropie connaît son « âge d’or ». Dans les campagnes se multiplient les apparitions de loups-garous, hommes métamorphosés en loups qui dévorent les enfants. Accusés de sorcellerie, les coupables sont jugés et généralement brûlés. Ce qui n’empêche pas les démonologues, experts en possession et exorcisme, de se diviser sur la nature de ces phénomènes.
Pour beaucoup d’entre eux, seul Dieu détient le pouvoir de métamorphoser (comme celui de créer), pouvoir dont il n’use pas en principe : ce serait en effet mettre en cause le cloisonnement des espèces. À ce titre, l’épisode biblique du châtiment de Nabuchodonosor est un sujet de controverse pour les théologiens. Si Dieu seul peut se métamorphoser, qu’en est-il alors des loups-garous ?
La réponse est que, si la métamorphose est bien l’œuvre de Satan, son pouvoir est déjà dégradé. Il ne peut métamorphoser à proprement parler, mais seulement en donner l’illusion, à la fois à celui qui se prend pour un loup et à celui qui le voit en loup. À titre de contre-exemple, on rapporte l’histoire de cette jeune fille changée en jument qui fut présentée à saint Macaire, lequel la vit, lui, bien en jeune fille !
Du mythe à la vision : la métamorphose comme fantasme
La métamorphose comprise comme irruption de la bestialité qui est en nous ouvre des perspectives totalement nouvelles. Ni charlatans ni illuminés, les démonologues de l’âge classique, psychanalystes avant la lettre, rompent avec la métamorphose comme mythe, au profit de la métamorphose comme fantasme. Autrement dit, ils appliquent à la métamorphose la nouvelle définition du mythe : une chimère, une illusion. Peu importe que Satan soit l’instigateur de cette illusion. Ce qui compte, c’est que, désormais, la métamorphose sera perçue non comme une réalité, mais bien comme une « vision ».
Vision extérieure, et pour ainsi dire sociale, d’abord : la métamorphose n’est jamais que la transformation… du regard de l’autre ! Ainsi, à la fin de Riquet à la houppe (1697) de Charles Perrault, une parole prononcée par la Princesse suffit à transformer Riquet le laid, le difforme, en un merveilleux Prince Charmant. Mais comme le précise facétieusement un peu plus loin l’auteur lui-même : « Quelques-uns assurent que ce ne furent point les charmes de la Fée qui opérèrent, mais que l’amour seul fit cette métamorphose. »
Mais, du regard d’autrui qui, dans le merveilleux de l’âge classique, situe la métamorphose sur le plan social (entendu au sens large), on ne tarde pas à passer, avec le fantastique romantique du XVIIIe et surtout du XIXe siècle, au regard sur soi, qui va faire de la métamorphose une véritable expérience intérieure.
L’expression de nos moi multiples, l’incarnation de nos pulsions
De Nerval à Kafka, de Maupassant à Lautréamont, de Gautier à Poe, la métamorphose obsède en effet la littérature fantastique du XIXe siècle et au-delà. Mais les dieux sont morts et il n’est même pas certain que Satan ait ici un autre rôle à jouer que celui de « simple » révélateur. Se métamorphoser, ne serait-ce pas en effet, selon la célèbre formule de Nietzsche, « devenir ce que l’on est », pour le meilleur ou pour le pire ? La métamorphose… relèverait de ce que la psychanalyse nomme « passage à l’acte », autrement dit d’un changement de plan : du mot à la chose, de l’esprit à la matière.
Ce que la métaphore opère dans le langage (je suis comme un loup : comparaison ; je suis un loup : métaphore), la métamorphose le réaliserait dans la vie concrète : je suis (animal, sauvage, carnassier, etc.) comme un loup (fantasme) ; je suis un loup-garou (métamorphose). Cette confusion fait basculer la métamorphose dans le champ de la pathologie mentale, où le Horla de Maupassant côtoie le Zelig de Woody Allen.
Libération ou aliénation, révolte ou folie, la métamorphose « moderne » apparaît alors comme l’expression immédiate, concrète, physique, matérielle, de nos moi multiples et souvent conflictuels, la manifestation, l’extériorisation, l’incarnation directe et littérale de nos pulsions refoulées. Le cas de Docteur Jekyll et Mister Hyde (ou de leurs doubles parodiques au cinéma : Docteur Jerry et Mister Love) nous en offre une illustration exemplaire.
Dès lors, une interrogation surgit, propre à l’univers fantastique qui, à la différence du merveilleux, se nourrit de doute et d’incertitude : la métamorphose est-elle réelle ou imaginaire ? On l’a vu avec Riquet. On y revient dans la nouvelle de Kafka La Métamorphose (1915) : Grégoire Samsa s’est-il réellement transformé ou fait-il un cauchemar (« Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine. ») ? Ou encore, n’est-il un cancrelat qu’aux yeux des autres ? La réponse, on le sait, ne nous sera jamais donnée.
C’est que le métamorphosé n’apparaît pas comme fondamentalement « autre », qu’il n’a même peut-être jamais été autant lui-même. Tout se passe en définitive comme si la métamorphose était depuis toujours inscrite dans le destin, dans le nom (Daphné transformée en laurier, qui se dit en grec… daphnê !), dans le caractère ou l’inconscient. Comme si nous nous trouvions moins en présence d’une transformation que d’une révélation. Et si on ne se métamorphosait jamais qu’en soi-même ? Si la métamorphose n’était autre que la réponse, ambiguë, à l’éternelle question de l’identité, telle qu’André Breton la formule au début de Nadja (1928) : « Qui suis-je ? Si par exception je m’en rapportais à un adage : en effet pourquoi tout ne reviendrait-il pas à savoir qui je hante ? Je dois avouer que ce dernier mot m’égare, tendant à établir entre certains êtres des rapports plus singuliers, moins évitables, plus troublants que je ne pensais. Il dit beaucoup plus qu’il ne veut dire, il me fait jouer de mon vivant le rôle d’un fantôme, évidemment il fait allusion à ce qu’il a fallu que je cessasse d’être, pour être qui je suis. »
La métamorphose et les sciences
La psychanalyse, on le voit, a contribué à réactualiser le mythe de la métamorphose. Elle l’a transformé en une expérience intérieure, l’extériorisation des pulsions et fantasmes, orientation déjà nettement amorcée tout au long du XIXe siècle, bien avant les découvertes de Freud. Mais surtout, elle a donné à cette interprétation à la fois une assise théorique et une caution scientifique.
Quant aux sciences exactes, leur rôle est complexe et peut-être contradictoire, car elles sont à la fois grandes destructrices et grandes pourvoyeuses de mythes. Par leurs explications rationnelles, elles ont banalisé la plupart des métamorphoses naturelles, y compris celles de l’homme, en en dévoilant les causes, le processus et les conséquences. Elles ont également, par leurs expérimentations, donné corps et réalité à d’archaïques fantasmes : pas de changement de sexe sans chirurgie, ni de duplication parfaite sans manipulations génétiques.
Cette vision d’une science tueuse d’imagination est cependant réductrice. N’oublions pas d’abord que, pour les peuples antiques ou primitifs, le mythe ne relève pas de l’imaginaire, mais bien de la réalité la plus concrète. Par ailleurs, au moins par les techniques qu’elles ont suscitées, les sciences ont permis de donner à voir des métamorphoses nullement réelles, contribuant ainsi largement à la régénération du mythe. Les extraordinaires transformations dans Terminator 2, par exemple, s’inscrivent dans une tradition qui remonte, au moins, aux machines rudimentaires du théâtre baroque.
Enfin, découvrant des contrées inconnues, elles ont ouvert des voies insoupçonnées : la robotique (2001 : l’Odyssée de l’espace de Arthur C. Clarke et le thème inépuisable de l’homme-machine), la génétique (La Ruche d’Hellstrom de Frank Herbert et les mutations génétiques), l’informatique même (le monde virtuel de Matrix), disciplines ou domaines naturellement ignorés des Anciens, ont ainsi, dans la science-fiction littéraire et cinématographique, permis au mythe de la métamorphose de se prolonger.
L’art, le grand métamorphoseur
Mais, dans la science-fiction, la fiction garde la prééminence : la science ne saurait produire des mythes sans son interprétation par l’art. Non seulement les métamorphoses nous environnent, mais nous sommes nous-mêmes, de l’œuf fécondé à la décomposition du cadavre, les objets d’incessantes métamorphoses. Si celles-ci sont parfois source de plaisir ou de bonheur, la plupart du temps nous nous efforçons de nous adapter à ces formes nouvelles qui ne manquent pas, chaque fois, de nous surprendre en nous laissant maladroits et sans réaction.
Dans cette quête permanente de nous-mêmes, ces métamorphoses obligées et qui nous dépassent nous apparaissent, le plus souvent, comme le rappel lancinant de notre fragile humanité, de notre hésitante identité.
À l’inverse, les métamorphoses que l’artiste met en œuvre sont, elles, volontaires, maîtrisées. Elles constituent plus qu’un thème, plus qu’un mythe même. Non seulement il y a des métamorphoses dans l’art, mais l’art n’est fait que de métamorphoses, l’art est LA métamorphose, cette seconde création, ce rêve prométhéen, démiurgique, de tout homme : recréer le monde, se rendre maître du branle universel, se faire, à son tour, le grand Métamorphoseur. Comme l’écrit Henri Michaux (1899-1984) dans son livre au titre significatif, Passages (1963) : « Faire éclater la création. Voilà enfin une idée pour plaire à l’homme : notre réplique à la Genèse. Enfin une idée diabolique. »
anti
L’article de Guy Belzane est tout simplement passionnant et très complet. A lire et relire, donc.
Les photos sont toutes d’Anti à l’exception de la première, je les trouve vraiment superbes ! Il fallait nous voir, tous autour de la grosse frite en polystyrène où la cigale avait choisi de procéder à sa métamorphose. Je l’ai trouvée comme ça alors que j’étais en train de ranger un peu les jeux qui trainaient autour de la piscine et je l’ai aussitôt ramenée jusqu’à la terrasse pour que nous puissions profiter à fond du spectacle magique qui s’offrait à nous.
La cigale était encore toute molle et sans énergie, on voit d’ailleurs bien sur l’avant-dernière photo qu’elle a les ailes qui pendent sous leur propre poids quand elle se tient à l’envers.
Ce matin, en allant sur la terrasse, j’ai vu justement une jeune cigale s’envoler sous mes yeux. Elle était posée sur une serviette bleue qui séchait sur le rebord de la terrasse. Etait-ce notre amie de la veille qui faisait une fixation sur la couleur bleue ?
Une minute plus tard, nouvelle rencontre avec une cigale sur la terrasse ! Cette fois, elle semblait morte, couchée sur le dos sur le carrelage à l’ombre. Je l’ai attrapée délicatement et là, miracle, elle était vivante, juste engourdie par le froid. Elle s’est mise à battre des ailes et a disparu rapidement dans les arbres.
Trois cigales en moins de 24 heures, c’est rare ! Depuis que j’habite à Nîmes, je n’en avais vue qu’une seule de près (toujours sur la terrasse).
En ce moment, elles sont plusieurs dizaines à craqueter à tout va, bien cachées dans les arbres.
Cette note est un monument…
Le texte de Guy Belzane, associé à cette métamorphose de la cigale est tout à fait sidérant.
C’est un grand bonheur pour votre maison, que cette cigale ait choisi d’y éclore (ou le hasard, si vous préférez, mais je ne crois pas aux hasards…). En Provence, la cigale est un symbole de prospérité. Personnellement, je n’avais jamais assisté à cette éclosion, les photos sont de toute beauté.
J’ai dans ma bibliothèque les « Métamorphoses d’Ovide » dans l’édition Picasso, avec la reproduction des eaux-fortes sur feuilles séparées. Je vais m’y replonger, grâce à cette note, qui mériterait à mon avis d’être placée « sous le projecteur ».
Etonnant, j’ai personnellement l’impression de me métamorphoser depuis que je lis assidûment ce blog…
Merci à vous.
Le symbolisme de la Cigale est comme tout symbole ambivalent. C’est le symbole du couple complémentaire lumière-obscurité.
et aussi :
Ombre et lumière
Au mystère ancien du mode de nutrition de la cigale s’ajoute celui de l’apparition de la larve sortant de terre qui a fait croire à une génération spontanée. La connaissance de la longue vie souterraine de cette larve et de ses multiples transformations confrontée à l’observation de sa courte mais brillante existence d’adulte aérien n’est pas moins propice à l’accroche symbolique. La vie de la cigale matérialise l’opposition complémentaire entre le monde obscur de la terre et la lumière, couple essentiel de bien des mythologies.
Pour les Indiens Hopi vivant sur les hauts plateaux de l’Arizona, la plupart des puissances surnaturelles sont dénommées Kachina. Ces êtres figurant le cosmos, intermédiaires entre les Esprits et les Terriens, sont généralement bienveillants à l’égard de ces derniers, leur apportant la pluie et des récoltes abondantes.
Le vocable Kachina s’applique à la fois à ces puissances transcendantales, aux hommes masqués qui les personnifient lors des cérémonies et aux poupées alors offertes aux femmes et aux enfants (figure ci-dessous). Copies conformes des danseurs masqués, elles possèdent un rôle pédagogique en favorisant l’enseignement de la Tradition, et renferment un élément magique, protégeant les demeures à l’intérieur desquelles elles sont solennellement accrochées. Sauf exception, masques et poupées rituelles n’ont aucune apparence animale. Symboles géométriques, ils expriment le sacré.
L’un de ces Kachina se nomme Mahu : cigale. Suivant le rythme biologique de l’insecte, le Kachina-cigale se manifeste au cours de cérémonies nocturnes se déroulant en décembre dans des chambres souterraines, ainsi qu’à la fin du printemps, au moment même où les vraies cigales apparaissent, dans des danses où il accompagne les Kachina qui apportent la pluie.
« Le texte de Guy Belzane, associé à cette métamorphose de la cigale est tout à fait sidérant. »
Ramses, avant d’écrire, je n’ai moi-même que peu d’idée de l’angle qui va s’imposer… Mais, en relisant la note avec les photos, j’avoue que j’ai ressenti l’étrange impression de la découvrir et d’en rester complètement sidérée. Les images donnaient une dimension toute particulière aux mots de Guy Belzane. J’étais comme dans un cercle de tambours.
Merci à toi aussi 😉
anti
Quelle analyse Anti ! magnifique !
Le texte avec les photos font que l’on ressent quelque chose de bizarre en soi ; comme si il se passait une transformation en nous…… étrange !
J’aime le lien entre métaphore et métamorphose.
La vie, oui, est une continuelle métamorphose.