J’ai assisté hier à une table ronde sur la biodiversité, dans le cadre du forum mondial BioVision, qui se tient tous les deux ans à Lyon et où, pour la première fois étaient invités des dirigeants de grandes ONG telles que Greenpeace, Oxfam et le WWF aux côtés de politiques, industriels et scientifiques de haut niveau dont plusieurs prix Nobel, pour parler des grands enjeux de la planète (dérèglement climatique, accès à l’eau potable et à la nourriture, qualité de l’air, épidémies, développement urbain, etc.)
Les intervenants de la session où je me trouvais étaient Guillermo Castilleja, directeur exécutif au sein du WWF, Léon Braat, chercheur de l’International Nature Policy, Neville Ash, patron du programme Gestion de l’Ecosystème de l’International Union for Conservation of Nature, et Jean Weissenbach, le directeur du Centre National de Séquençage. Le débat était animé par Ismael Serageldin, directeur de la Nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie en Egypte.
Une personne de l’assistance a posé une question sur les OGM. Selon elle, les OGM jouaient un rôle favorable puisqu’ils permettaient de produire beaucoup plus de culture pour une surface donnée et contribuaient donc à nourrir plus de gens, ce qui était une bonne chose avec l’accroissement rapide de la population de la Terre.
Neville Ash a répliqué que la question n’était pas là et que peu importait si les OGM donnaient des semences plus productives. Ce qui comptait, c’est qu’on n’avait encore aucune idée du danger potentiel qu’ils faisaient courir à long terme à l’environnement en général et à l’Homme en particulier, et que de ce fait, le principe de précaution devait primer sur tout le reste.
Guillermo Castilleja a renchéri en citant le cas du Brésil, où les surfaces cultivées sont largement suffisantes pour que les cultures conventionnelles satisfassent aux besoins en nourriture de la population locale mais où une bonne partie des habitants n’ont jamais accès à cette nourriture surabondante, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la productivité des terres puisqu’elles sont purement économiques.
Ismaël Serageldin a alors assommé littéralement l’auditoire en disant (je retranscris ses propos de mémoire) : « Je vais vous raconter une anecdote dont je pense que quasiment personne dans cette salle n’a jamais entendu parler. Vous parlez de cultures conventionnelles. Savez-vous que ces cultures conventionnelles ont une origine qui est mille fois plus terrifiante que n’importe quel OGM ? Dans les années 50, les semenciers américains ont décidé de procéder, sans en informer qui que ce soit, à des expositions de leurs graines à de fortes doses de radio-activité pour provoquer toutes sortes de mutations incontrôlées. Ils ont ensuite semé leurs graines et observé ce qui se passait. Dans la plupart des cas, les graines ne germaient pas. Mais quand elles le faisaient, elles donnaient des céréales qui ont été récoltées. Celles qui semblaient être les plus productives ou les plus résistantes ont été incorporées dans la nourriture des gens, sans qu’ils n’en sachent rien. C’est à partir de ces graines modifiées n’importe comment et vendues ensuite un peu partout que se sont bâties les cultures que nous nommons aujourd’hui conventionnelles. Aujourd’hui, avec les OGM, nous nous inquiétons légitimement de ce qu’une modification extrêmement précise de quelques gènes choisis en toute connaissance de cause peut avoir comme impact sur notre environnement. Il y a 50 ans, personne ne se souciait de ces expériences autrement plus hasardeuses, simplement parce que personne ne savait même qu’elles avaient lieu. »
Grand silence. Les gens se regardaient, interloqués ou perplexes. Serageldin a enchaîné en demandant s’il y avait d’autres questions. J’ai quitté la salle.
Cette horreur s’est produite il y a un demi-siècle et quels que soient les dommages qu’elle a pu causer, on ne peut plus rien y faire. Mais combien d’autres histoires de ce genre restent dans l’ombre, inconnues de la plupart d’entre nous ?
Espérons que le déferlement d’informations croissant facilité par Internet rende de plus en plus improbables de telles folies.
Les autres thèmes traités lors de cette table ronde sont décrits ici : Aspects ignorés de la biodiversité (en anglais)
Le titre de ma note est celui d’un roman de science-fiction de Jack Williamson dont j’ai parlé à Anti il y a quelques jours. Il m’a semblé on ne peut plus approprié.
Après (ou avant ?) les armes conventionnelles, les graines conventionnelles.
Effarant. Et la loi du silence a fonctionné pendant tout ce temps. Quelles intimidations ont-ils employées pour faire taire ceux qui auraient voulu « manger le morceau » ?
Il faut croire que nous sommes drôlement résistants : malgré toutes ces malversations et manipulations, nous nous portons relativement bien.
Je ne sais pas si on va si bien que ça Startine. L’espérance de vie augmente mais les maladies dégénératives aussi…
Un dossier sur les mutants non GM :
http://www.infogm.org/spip.php?article2406
et un autre : Les semences mutantes irradiées, nouvelles Stars du Salon de l’agriculture ?
Les Amis de la Terre,samedi 28 février 2009 par anik
http://www.robin-woodard.eu/spip.php?article673
Et dire qu’on pourrait nourrir la population de la Terre au bio en respectant et les hommes, et les bêtes, et Gaïa…
Triste économie de marché !
anti
Et que dire des bio-carburants brésiliens, pour lesquels Jean Ziegler était un farouche opposant, avant de s’y rallier ?
http://www.rue89.com/2008/03/28/a-lonu-jean-ziegler-fait-volte-face-sur-les-biocarburants-bresiliens
Personnellement, je pense qu’il est plus dommageable de transformer des plantations en carburant, plutôt que d’essayer de produire plus et de meilleure qualité. Certes, il faut un certain recul d’expérimentations, pour s’assurer que ces cultures transgéniques ne seront pas nuisibles à la santé, mais arrêter toute recherche sur les OGM me semble un non-sens. Et le fléau représenté par les pesticides utilisés aujourd’hui est bien réel, tandis que la nocivité des OGM n’est pas prouvée scientifiquement.