La cour d’appel de Douai va juger aujourd’hui Marie-Noëlle Gues, une militante de Calais qui prend depuis cinq ans des photos des arrestations de sans-papiers. Elle a déjà été condamné pour des faits identiques. Voici les principaux extraits de son témoignage, publié aujourd’hui par Rue89.
Depuis 2004, j’ai utilisé un appareil-photo et ma voix pour repousser les interventions policières. Le spectacle de la chasse à l’étranger était insupportable dans nos rues de Calais. J’ai compris très vite les frayeurs de la police face à des personnes qui témoignent. […]
Les informations données par les réfugiés me servaient à me tenir sur les lieux avant l’arrivée des CRS pour pouvoir protéger les premiers des violences qui survenaient parfois hors vue (gazage des abris et matraquage des réfugiés une fois interpellés…).[…]
Contre-spectacle
J’offrais le contre-spectacle des procédures xénophobes de l’Etat. Tous les policiers me connaissaient. J’étais « la journaliste ». Je diffusais sur un site militant et envoyais sur des listes engagées mes « rapports » de surveillance.
J’ai persévéré après ma première garde à vue. Je savais qu’avec ce pouvoir, il fallait continuer, ne pas céder, ne pas avoir peur.
Je ne suis pas une bénévole humanitaire. Je suis une militante politique communiste engagée dans plusieurs luttes. Je pensais que faire respecter la loi en surveillant son application dans la rue nécessitait une prise de risque calculée face à la police. Je ne limitais pas mes actions à cette surveillance pénible et coûteuse en temps et en émotion. Je travaillais également à la défense juridique des réfugiés sans papier et demandeurs d’asile et rappelais souvent leurs droits fondamentaux.
Contre moi, des mesures logiques
De ce fait, les mesures prises à mon encontre par l’ensemble police-justice sont pour moi fortement logiques. L’Etat était capable de s’attaquer aux humanitaires, pourquoi pas à moi?
Ainsi, le 23 octobre 2007, alors que je « patrouillais » près d’un jardin public, deux Erythréens m’expliquent avoir été libérés de la PAF de Coquelles avec un document dont ils me demandent la traduction. C’était un APRF (Avis de Reconduite à la Frontière). Je leur propose d’aller au Tribunal administratif de Lille pour s’opposer à l’arrêté du préfet. Le délai est de 48 heures.
Nous nous dirigeons vers une station service encore ouverte pour photocopier les arrêtés. Plusieurs autres réfugiés nous accostent et nous questionnent sur l’utilisation d’une carte de téléphone.
Arrive un car de CRS. […] On me demande de sortir de la zone décrétée zone de contrôle. Je m’exécute et commence à engager une discussion sur le droit d’arrêter à nouveau deux personnes qui venaient juste d’être libérés. Je continue sur le droit d’aller déposer un référé contre un avis de reconduite à la frontière et oppose aux CRS le délai imparti de 48 heures pour envoyer ce référé et la garde à vue probable de 24 heures pour les deux Erythréens.
Nous étions encore en train de discuter quand je vois l’un des deux CRS se retourner et foncer vers la station service. Je comprends sans le voir vraiment que l’un des interpellés s’était éclipsé et lève aussitôt mon appareil photo.
Très mauvaise idée! J’avais oublié que l’autre CRS me faisait face. Contre toute attente, il gène l’objectif de l’appareil, puis l’empoigne, me pousse sur le fourgon de ramassage comme je fais un pas vers ce dernier pour pouvoir filmer. Il me tord le bras jusqu’à ce que je m’agenouille de douleur. […]
« J’ai arrêté la journaliste »
Menottée, embarquée dans le car de CRS, j’ai entendu mon tortionnaire annoncer par radio: « J’ai arrêté la journaliste. » Puis lors du départ du car, ce dernier a penché la tête en lisant le nom du café PMU qui se trouvait en face, portes fermées. Garde à vue de 24 heures, accusée d’outrage et rébellion.
Le 23 avril 2008, au tribunal de grande instance, les CRS ont produit le témoignage de la propriétaire du café PMU. Lors d’une audience reportée, cette dernière n’était pas apparue et n’apparut pas non plus le jour du procès. De mon côté, j’ai produit l’un des deux témoins de la scène de mon arrestation. J’ai été relaxée.[…]
Le 5 mars, à 14 heures, sera jugé à Douai l’appel formé par le parquet et les deux CRS. Mon témoin ayant déjà témoigné devant le TGI, la Cour ne sera pas obligée d’accepter à nouveau son témoignage à la barre.
Mes images au tribunal
J’ai fourni au procureur général la vidéo du moment précédent l’obstruction par le CRS. Je lui ai également fourni les images tirées de la vidéo du début de la course poursuite contre le fuyard et qui prouvent les mensonges de la propriétaire du café PMU.[…]
Sans avocat car sans argent, mesurant très récemment l’intérêt de gagner contre les CRS qui m’ont brutalisée sans motif, j’ai tenté de récupérer le dossier de toute la procédure pour assurer ma défense.
Le service du procureur général m’a opposé un délai de 48 heures pour obtenir les photocopies. Autant dire qu’une heure avant l’audience, je devrais avoir analysé les déclarations des uns et des autres et bâtir ma défense, si jamais j’obtiens le droit de connaître le dossier. L’employée du service du procureur m’a conseillée de demander le renvoi.
Marie-Noëlle Gues
L’article intégral est sur le site de Rue 89.
Photo : Linternationalmagazine.com
« Merci Anna d’en parler en lui donnant la parole. »
C’est surtout Rue89 qu’il faut remercier. Je n’ai fait que relayer l’info et j’espère que beaucoup d’autres le feront.
Oui alors qu’à la Réunion on vient de libérer 4 assassins qui avaient fait une petite sauterie à la Kala lors d’une fête pour des motifs obscurs 5 morts dont 3 enfants plusieurs blessés. L’un a avoué et dénoncé les autres. Libéré grace à Maitre Collard qui a trouvé un défaut de procédure. Le lendemain le journal de Mada a titré : Réunion (France) république bananière ?
(procès Mamodjaki)
Ce sera sur mon blog et facebook dans 2 minutes.. La politique de la violence me fait vomir.
J’en ai marre du nain et de ses pions..
Le plus triste, c’est qu’une nouvelle de ce genre me révolte, mais ne m’étonne même plus.
Ces abus, ces injustices tristement quotidiennes en disent pourtant long sur la belle démocratie dont nous sommes si fiers.
Bravo à Marie-Noëlle Gues pour son courage et sa détermination.
Fantastique. Dans tous les sens du terme… Ahurissant ! Bravo à Marie-Noël Gues pour son engagement civique !
Il y a des gens formidables dont elle fait partie.
Par contre, il y a des enflures de première aussi… « Vice de procédure ». La liberté tue la liberté…
anti
En fait ce type est friqué et devait magouiiler avec le gouvernement malgache. Il a pu s’offrir 5 avocats parmi les meilleurs de france et le tribunal s’est fait manoeuvrer de première…
Ils ont cherché à quitter le pays mais les avocats ont déposé un recours et le supérieur du magistrat du parquet a repris l’affaire
Dans toutes ces affaires d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière, c’est une parodie de Justice. Celui qui se voit délivrer un APRF n’a effectivement que 48h pour déposer un recours et bien peu le font, faute de conseils d’un Avocat spécialisé. Me Eolas, dont le blog est célèbre (Journal d’un Avocat) dénonce régulièrement ces pratiques et s’est fait une spécialité de défendre ces injustices. C’est d’autant plus méritoire que c’est très souvent bénévole… Tout ce qui touche à l’expulsion des étrangers est tabou. Saviez-vous que « demander des explications aux policiers chargés d’escorter un « reconduit » dans un avion de ligne » vous expose à être vous-même expulsé de l’avion et placé en garde à vue ? Il en est de même si vous photographiez la scène avec un téléphone portable… Personnellement, si un jour je dois « partager » un de ces vols, je refuserai de monter dans l’avion. Le « Ministre » en charge a un « objectif » de 26.000 expulsions par an… Le plus comique (si l’on peut dire) est que ces policiers d’escorte (3 ou 4 pour un « refoulé ») bénéficient de miles gratuits, sur leur carte Flying Blue !!
Ecoeurant, en effet…
Merci pour ton témoignage sur Me Eolas.
http://www.maitre-eolas.fr/
anti, toujours mieux avec 😉