Est-ce l’escargot qui est lent ou nous qui allons trop vite? Est-ce la fourmi qui va vite ou nous qui sommes trop lents? Ou est-ce que nos temps se déroulent différemment?
Je parlais dans ma note d’accueil du 6 juin d’arrêter le temps et « reporter, dans sa tête, la limite à plus tard. Souffler, ralentir. Pendant ce temps, le temps continue à s’écouler. »
Avec la fracture d’Anti, c’est ironiquement ce qui vient de nous arriver. La date qui est devenue celle que l’on attend n’est plus le déménagement dans trois semaines mais la guérison de la fracture dans six. Hier soir, dans notre conversation quotidienne, nous reparlions du temps qui se contracte et se dilate suivant notre perception des moments de l’existence. La chute dans l’escalier nous semblait déjà lointaine, comme si elle s’était produite deux ou trois semaines plus tôt alors qu’elle datait de la veille. Et nous, par contre, nous avions la sensation que nous étions ensemble depuis la veille tellement tous nos souvenirs à deux étaient présents simultanément – ce qui ne nous empêchait pas de sentir que nous nous connaissions depuis la naissance de l’Univers. La superposition de ces temps paradoxaux nous paraissait naturelle.
Nous avons ri en nous racontant pour la millième fois notre histoire mais en modifiant toutes les dates pour qu’elle se déroule en une seule journée. Anti avait écrit hier « c’est mieux avec les liens » et vivait déjà à Nîmes, nous avions partagé un nombre incalculable d’extases et de fous-rires, j’avais écrit six romans dans la journée qui avaient atteint aussitôt 115 pays, nous étions à la fois dans l’instant de la toute première fois et dans l’éternité de nos âmes fusionnées.
Le temps accélère, ralentit, s’arrête, s’inverse, éclate en fragments superposés qui se répondent en un kaléidoscope merveilleux.