Le tableau noir

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A la suite d’un bombardement au Kurdistan iranien, des instituteurs errent de village en village à la recherche d’élèves…
L’un d’entre eux trouve sur son chemin un groupe d’adolescents qui font les « mules », c’est-à-dire de la contrebande avec l’Irak.
Malgré les efforts de l’instituteur, aucun d’entre eux n’est désireux d’apprendre, sauf le jeune Riboir.

Un second croise un groupe de vieillards qui essaient de rejoindre leur terre natale pour y finir leurs jours.
L’un d’eux emmène sa fille, une jeune veuve, et son petit-fils. Il décide de les suivre.
Avec son tableau noir comme seule dot, il épouse la veuve et tente d’en faire son élève.

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Au détour d’une page web, je suis tombée sur ce film qui me tente bien et dont voici la critique de Télérama parue à l’époque (le film date de l’an 2000) :

Éternellement sanglée dans sa robe-tablier noire, Samira Makhmalbaf est déjà montée deux fois sur l’estrade cannoise.

Caméra d’or à 18 ans pour son premier film, La Pomme, Prix du jury à 21 ans pour le deuxième, Le Tableau noir… La petite madone persane est bonne élève et fière de l’être. Aux journalistes ébaubis par la précocité de son talent, elle chante toujours la même chanson, avec force battements de paupières cernées de khôl. Son cœur est à papa : Mohsen Makhmalbaf, réalisateur phare du cinéma iranien. « Je lui dois tout », dit-elle. Mais l’enfant chérie semble bien avoir fait sa propre cuisine de l’héritage paternel…

La transmission est donc la grande affaire de sa vie. Comment recycler ce que l’on reçoit ? Faut-il désobéir pour devenir soi-même ? Samira Makhmalbaf écrit soigneusement ces deux questions au centre de son Tableau noir. Un film de cendres et de craie, beau et frustrant comme une tempête de sable, qui prend soin d’effacer les réponses aussitôt qu’elles affleurent. Un conte énigmatique où les paysages sont des miroirs à deux faces. Où chaque image souffle le chaud et le froid, chuchote une chose et son contraire. A commencer par cette scène d’ouverture, la plus belle du film, une trouvaille visuelle époustouflante.

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Le tableau noir ficelé sur le dos, une quinzaine d’instituteurs gravissent péniblement le flanc d’une montagne caillouteuse, à la frontière irako-iranienne. Ils écrèment les sommets du Kurdistan à la recherche d’hypothétiques élèves. Vus du ciel, ces marcheurs harassés ressemblent autant à des voyageurs au long cours prêts à s’envoler sous leurs Deltaplanes d’ardoise qu’à des tortues exsangues et désespérées écrasées par leurs carapaces trop lourdes.

Parfois libérateur, le savoir peut donc aussi être un fardeau à vie… insinue d’emblée Samira Makhmalbaf, avant de poursuivre sa route à double sens, riche en rencontres déstabilisatrices. Un vieux paysan analphabète supplie un jeune inconnu de lui lire la lettre de son fils emprisonné. Un maître d’école égaré doit demander son chemin à un sale gosse imbu de son ignorance. Un vieillard ne sachant plus faire pipi a besoin qu’un grand bébé lui montre l’exemple…

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Pour que l’on ne s’égare pas dans cette randonnée de haute montagne, Samira Makhmalbaf a eu la bonne idée d’utiliser son tableau noir comme un caillou de Petit Poucet. A chaque étape, l’objet prend différentes significations métaphoriques.

Tour à tour brancard, bouclier, paravent pour cérémonie de mariage, porte pour nuit de noces, bureau de divorce, le tableau noir va même jusqu’à devenir le surnom que sa nouvelle épouse donne à Saïd… Un instituteur un peu filou, que Samira Makhmalbaf sort un instant de la foule, sans pour autant en faire un véritable héros. Comme si elle n’avait pas osé donner pleinement la parole à ce personnage au parcours diamétralement différent du sien : Saïd a choisi de devenir instituteur contre l’avis de son père, qui aurait préféré qu’il fût berger… Ce refus de sonder les tréfonds de ce doux révolté limite sans doute la portée du film. A moins que cela ne soit sa force. Samira restant finalement cachée derrière le seul personnage de femme de son conte : un bloc de granite, mutique et insondable, qui avance sans faiblir, n’écoutant que sa voix intérieure…

article signé Marine Landrot (Source)

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3 Replies to “Le tableau noir”

  1. Terrevive

    La dernière prise de vue avec le paysage déployé, les couleurs diffuses et le personnage aux vêtements confus me laisse en arrêt.

    Envie d’en savoir plus… oui.

  2. anti

    Oui, le film me tente bien aussi, comme pour vous il me donne envie d’en savoir plus. Bonne nouvelle : les deux films de Samira Makhmalbaf sont disponibles à la médiathèque de Nîmes 😉

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